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reil « déplorable et terrible » fit reculer les malveillans. Les soldats se bornèrent à piller quelques maisons grecques et à égorger les malheureux que la fatalité plaça sur leur passage.

Les janissaires avaient remplacé le mollah, le naïb et le bach-ayan ; ils avaient également choisi de nouveaux chefs pour leurs régimens. Le serdar, seule autorité qu’ils n’eussent pas renversée, se mit en relations avec les consuls ; il s’engageait à rétablir l’ordre, si l’on consentait à laisser visiter par les nouveaux chefs des janissaires le bâtiment dont le départ avait occasionné tout ce tumulte. Le consul de Russie, M. Destunis, céda aux instances de ses collègues. Les Turcs firent eux-mêmes l’appel des passagers sur la présentation des passeports. Ils crurent reconnaître pour raïas une centaine d’hommes et une cinquantaine de femmes et d’enfans ; mais le consul de sa majesté britannique, M. Werry, parvint à les convaincre que « tous ces gens-là, provenant des sept îles, ainsi que le constatait leur passeport, ne pouvaient être considérés comme sujets du sultan, puisqu’ils appartenaient au roi d’Angleterre. » Cette explication trouva grâce devant la soldatesque, flattée dans son orgueil par la condescendance qu’on lui avait montrée. Les janissaires déclarèrent que désormais la tranquillité ne serait plus troublée ; ils demandaient en retour que le consul de France donnât l’exemple de la confiance et fit descendre à terre sa famille et ses nationaux. M. David ne mit qu’une condition à son consentement : il exigea que les engagemens pris fussent ratifiés en présence de tous les consuls réunis et sous la garantie de toutes les autorités assemblées. Le soir même, le serdar, le mousselim et quelques autres personnages de marque étaient convoqués chez le pacha. Le corps consulaire fut introduit. « Que voulez-vous ? » demanda Hassan d’un ton sec.

Le consul de France prit la parole. « On a manqué trois fois aux promesses qu’on nous avait faites, dit-il. Nous ne venons pas, comme des enfans crédules, réclamer la répétition de ces vains engagemens. Il nous faut des garanties plus sérieuses. Nous désirons que les nouveaux odgiaklis prêtent entre les mains du représentant de leur souverain le serment de maintenir l’ordre public et de punir quiconque essaierait de le troubler.

— Vous avez entendu, dit alors le pacha, s’adressant aux chefs silencieusement rangés en face de lui. Les odgiaklis avaient retiré leurs promesses, parce qu’on leur avait donné des sujets de plainte qui aujourd’hui n’existent plus. Promettons-nous aux consuls de maintenir la tranquillité dans Smyrne ?

— Oui, seigneur, répondirent à la fois tous les janissaires en portant la main à leur front.