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ticle vendu n’atteint pas la valeur de la somme remise à l’emprunteur, ils doivent rembourser la différence à la caisse du mont-de-piété.

Pour éviter l’encombrement et activer un service dont les employés sont parfois surmenés, on a séparé les bureaux d’engagemens en deux catégories parfaitement distinctes, désignées sous le nom de première et de seconde division : dans la première, on engage les bijoux, les objets précieux et de petit volume; dans la seconde, on engage cette inconcevable diversité d’articles qu’on appelle génériquement les paquets. Au fond d’une cour qui n’est pas trop large s’ouvre un étroit couloir aboutissant à une grande salle dallée, triste, terne, d’aspect passablement morose et désagréable. Deux ou trois bancs de bois polis par l’usage sont placés près de la muraille; une grande cage vitrée de carreaux blanchis forme le fond. Cette cage a un guichet disposé de telle sorte que l’emprunteur et les employés ne peuvent se voir. C’est la première division. La salle d’attente contient deux ou trois personnes qui fouillent dans leur poche pour en retirer le gage qu’elles apportent : ici la foule n’est jamais grande; mais de neuf heures du matin à quatre heures de l’après-midi les emprunteurs se succèdent incessamment. Derrière le vitrage, dans une chambre très claire, les employés sont rangés autour d’une table en fer à cheval. Le commissaire-priseur-appréciateur est assis près de la fenêtre; à sa portée, voici une loupe, une pierre de touche, un flacon d’acide nitrique, un gabarit pour mesurer la dimension des diamans; en face de lui, à côté d’un paquet de bulletins formulés et numérotés d’avance, se tient le commis aux écritures, la plume à la main. Deux hommes vêtus d’une veste en cotonnade bleue rayée de blanc sont placés sur des tabourets, près de la table. Devant l’un, des boîtes sont répandues, des bâtons de cire à cacheter commune sont disposés, et un bec de gaz brûle constamment; devant l’autre, il y a des écheveaux de gros fil et de fortes aiguilles; le premier est le garçon boîtier, le second est le garçon couseur. Debout, faisant la navette entre le guichet et la table, où je vois une balance et un trébuchet, le garçon peseur complète le personnel indispensable à la régularité d’un engagement.

L’individu qui se présente au mont-de-piété pour emprunter s’appelle un public. Presque toutes les administrations ont ainsi à leur usage une série de vocables avec lesquels le dictionnaire de l’Académie n’a rien de commun, et qui sont nés des obligations mêmes du service, qu’ils facilitent singulièrement; nous en verrons d’autres tout à l’heure. Le public dépose sur une planchette le gage que saisit le garçon peseur; celui-ci, lorsque c’est un bijou, un