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l’église. Pour mettre fin à la dispute, il ne fallut rien moins qu’une décision du concile de Latran qui approuva les monts-de-piété, tout en déclarant qu’ils ne devaient exiger que l’intérêt indispensable à leurs frais d’administration. La religion catholique, en prenant ce genre d’établissement sous sa protection, en assurait l’existence et en préparait l’avenir.

En France, le premier qui le proposa fut ce Jean Douet de Romp-Croissant dont j’ai déjà parlé à propos de la mendicité et qui n’épargnait pas ses projets. Dans sa France guerrière, il demande la création des monts-de-piété comme complément de tout un système d’assistance où il faisait entrer un refuge pour les soldats invalides et l’enrégimentation des mendians. C’était au début de la régence d’Anne d’Autriche : on avait bien d’autres préoccupations en tête, et le prêt sur nantissement continua d’être réglé par nos vieilles ordonnances royales, qui le plus fréquemment se contentaient de défendre de prêter « sur habit sanglant ou soc de charrue. » Louis XIV, la régence, Louis XV, passèrent, et l’usure ne cessa pas de fleurir avec impunité, dans des conditions que le roman et le théâtre n’ont point négligé de retenir. Les lettres patentes qui, signées Louis, contre-signées Amelot, portent établissement d’un mont-de-piété à Paris, sont datées du 9 décembre 1777; elles ont été enregistrées au parlement le 12 du même mois.

Ces lettres sont intéressantes à étudier, non-seulement parce qu’elles créent une institution extrêmement utile, mais parce qu’elles ont eu sur la destinée de celle-ci une influence capitale et que, si le mont-de-piété de Paris ne rend pas encore tous les services qu’on est légitimement en droit d’exiger de lui, s’il est dans une situation qui parfois n’a pas toute la netteté désirable, c’est dans l’acte constitutif qu’il faut en chercher la cause, car malgré les décrets impériaux, les ordonnances royales, les lois qui à diverses reprises ont réglé la matière en cherchant à la modifier, les erremens du premier jour sont restés les mêmes, et les défauts organiques n’ont point disparu. Le protocole indique nettement le but poursuivi : on veut faire cesser les désordres que l’usure a introduits, assurer des secours d’argent peu onéreux aux emprunteurs dénués de ressources, appliquer le bénéfice au soulagement des pauvres et à l’amélioration des maisons de charité. Les articles, au nombre de dix-huit, édictent les dispositions suivantes : les fonctions des administrateurs nommés par le bureau de l’hôpital-général seront charitables et gratuites; — l’évaluation des objets offerts en nantissement sera faite par des appréciateurs « choisis dans la communauté des huissiers-commissaires-priseurs du Châtelet de Paris, laquelle sera garante des évaluations et percevra