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Dans les steppes qui environnent Odessa et Astrakan, on parcourt des centaines de kilomètres sans voir ni une source ni un arbre. Il n’existe du reste qu’un petit nombre d’essences dans la zone où les forêts sont le plus abondantes; le sapin et le bouleau y dominent. Ce dernier convient surtout au climat; on le trouve au nord jusqu’au 69e degré de latitude, plus loin même que le sapin. Sans valeur comme bois de construction, il est très apprécié pour les usages domestiques. C’est le bois de luxe pour le chauffage; les cendres fournissent une grande quantité de potasse ; l’écorce, employée dans la tannerie, donne au cuir une souplesse et une odeur particulières. L’abondance de ces arbres se reconnaît à la seule inspection d’une carte, car ils ont donné leur nom, béréza, à beaucoup de villages et de cours d’eau. Par malheur, ces forêts, qui deviendraient une source précieuse de richesses entre des mains prévoyantes, sont presque toujours abandonnées à l’incurie des propriétaires riverains. Les incendies y font de fréquens ravages. « Une partie de ces sinistres, nous dit M. Collignon, doit être attribuée ou à des imprudences ou à la malveillance, ou enfin au besoin que l’on peut avoir ressenti de masquer des défrichemens irréguliers, car en Russie l’incendie s’applique en grand aux forêts, aux magasins, aux arsenaux, aux ministères; c’est un moyen commode et fréquemment employé de régulariser une fausse situation et de redresser une comptabilité infidèle. » Faut-il ajouter foi entière aux appréciations pessimistes d’un auteur qui, nous le verrons encore plus loin, semble avoir conservé une fâcheuse impression de ses rapports avec l’administration russe?

Dans les provinces qui ont des ressources forestières, les maisons se construisent en bois; c’est aussi une conséquence naturelle de la pauvreté géologique du pays et de la rareté des matériaux. Il en résulte que le Russe est devenu un charpentier habile; il manie surtout la hache, dit-on, avec une adresse merveilleuse : non pas toutefois qu’il exécute de beaux ouvrages de charpente comme en contiennent la plupart de nos vieux édifices; le bois s’emploie en grume plutôt qu’équarri. La maison s’édifie avec des poutres superposées que relient de grossiers assemblages. L’izba que l’on voyait à l’exposition universelle de 1867 donne une idée, peut-être trop avantageuse, de ce mode de construction. Cependant les incendies trop fréquens sont cause que l’on a proscrit les bâtimens en bois dans les grandes villes; c’est alors à la brique que les architectes ont recours, car la pierre est le plus souvent d’un prix trop élevé. Les carrières granitiques de la Finlande fournissent de superbes matériaux à la ville de Saint-Pétersbourg; on les emploie rarement, sauf pour les constructions d’apparat, comme par