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porter à Saint-Pétersbourg, sur le littoral du golfe de Bothnie, la capitale de l’empire; il fondait en même temps Arkhangel au nord et Taganrog sur la mer d’Azof; il réussit assez bien. Ses successeurs poursuivirent avec persistance le but plus difficile de s’ouvrir un débouché sur la Méditerranée, et, ne pouvant réaliser ce désir assez vite, ils ont créé sur la côte orientale de l’Asie, à Vladivostock, un port militaire qui leur permet de lancer une flotte sur le Pacifique.

Malgré ces efforts séculaires, la Russie n’a pas encore de débouchés suffisans vers l’Europe. Arkhangel et Saint-Pétersbourg sont bloqués par les glaces une partie de l’année; Riga est une ville allemande, Odessa appartient au monde latin. Astrakan est tartare. Un peuple ainsi parqué au centre d’un continent était condamné d’avance à une politique de conquête. Quoiqu’il se soit étendu vite en surface, il n’a pas acquis de consistance d’unité. Les sujets du tsar sont encore Allemands dans la Livonie, Cosaques ou Kalmouks sur les bords du Don et du Volga.

L’aspect géologique de la contrée n’est pas moins défavorable que la configuration géographique. Tandis qu’en Belgique, en France, en Angleterre, tous les étages géologiques s’offrent à la surface du sol dans une étendue restreinte avec les récoltes qui sont particulières à chacun d’eux, en Russie au contraire le même terrain se présente sur de vastes superficies. Le sol, parfois très riche pour certaines cultures, se montre en même temps très pauvre sous d’autres rapports. Ce qui manque en une province ne peut être acquis que par échange avec les provinces éloignées; mais, la population restant clair-semée par l’effet de ce vice originel, les voies de communication font défaut, et ces échanges à grande distance ne se peuvent établir.

On ne sera donc pas étonné d’apprendre que les biens de la terre sont peu abondans et parfois gaspillés sans profit. Les forêts, qui occupent plus d’un tiers du territoire, sont inégalement réparties, et là où l’exploitation en est facile les paysans les épuisent par des coupes irrégulières. C’est au nord que l’on trouve les plus grandes ressources forestières. Entre le 65e degré de latitude et l’Océan-Glacial, le pays, entièrement boisé, n’est occupé que par des peuplades nomades qui vivent de la chasse. Un peu plus au sud commencent les populations agricoles, qui font paître leur bétail au milieu des bois. Dans la région marécageuse, qui confine à la Prusse et à la Pologne, la terre arable occupe plus de superficie, et enfin les provinces du sud sont tout à fait dépourvues de bois. On n’y trouve plus de beaux arbres que sur les versans du Caucase, en des terrains accidentés où l’exploitation est presque impossible.