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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin 1872.

Dans cette laborieuse carrière où elle est engagée, la France porte deux sentimens vivaces, décidés, qui sont comme la compensation amère et généreuse encore de nos dernières épreuves.

La France n’est point aussi frivole qu’on le dit : elle a la conscience de ses malheurs et de ses fautes, et elle ne songe pas plus à dissimuler les fautes que les malheurs. Jamais peut-être nation maltraitée par la fortune ne s’est montrée plus naïvement disposée à faire les aveux les plus complets, à subir toutes les expériences, toutes les enquêtes qu’on peut entreprendre sur elle. Opérations de la guerre, actes de gouvernement, capitulations, marchés équivoques, confusion des choses, défaillances des hommes, crises politiques, influences morales, on veut tout interroger, on ne recule devant aucune investigation pour arriver à connaître les causes et les détails de tant de désastres. La France qui s’est livrée si souvent aux illusions, aux fascinations de sa propre gloire et de sa propre grandeur, la France a cette fois le courage de sonder ses blessures, d’avouer tout haut ses humiliations, de regarder en face la vérité la plus cruelle. C’est sa première vertu et sa première force dans le malheur. Il y a un autre sentiment qui n’est pas moins vivace au cœur de la France, c’est le sentiment de ce qu’elle se doit à elle-même après tout ce qu’elle vient de souffrir, c’est la passion de se relever, de réparer les immenses désastres qui ont étonné et attristé son orgueil national. Elle se sent une incomparable fécondité de ressources, de l’énergie et de la résolution pour tout ce qu’on lui demandera, pour les efforts comme pour les sacrifices, et la sincérité qu’elle met dans l’aveu de ses déceptions ou de ses fautes, cette sincérité n’a d’égale que la bonne volonté qu’elle offre à ceux qui voudront ou qui pourront lui rendre un avenir digne de son passé. Pourvu qu’on la conduise, elle est prête à tout, elle le montre chaque jour ; elle est du moins merveilleu-