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UN ROMANCIER AMÉRICAIN


BRET HARTE.


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Il y a quatre ans au plus que le nom de Bret Harte a été prononcé pour la première fois dans son pays même. Le romancier célèbre aujourd’hui en Angleterre autant qu’aux États-Unis n’était alors que le directeur d’un journal de San-Francisco, et n’obtenait qu’un succès tout local pour ainsi dire. Ce succès lui valut cependant d’être mis à la tête de l’Overland Monthly par la compagnie d’éditeurs californiens qui lançait ce recueil transatlantique. Tout marche à pas de géant en Amérique, les fortunes littéraires comme les autres. À quelques mois de là, l’Overland était devenu la revue américaine par excellence, et M. Bret Harte un génie transcendant dégagé de toutes les influences de l’ancien monde. Ébloui par ce panorama des mœurs californiennes que déroulait une série de nouvelles saisissantes dans leur brièveté, le public exagéra l’enthousiasme, comme il arrive toujours, et voulut que son auteur favori fût non pas seulement un grand romancier, mais un poète de premier mérite, un critique plein de goût. Il nous semble, quant à nous, que les petites compositions héroï-comiques qui forment la meilleure partie de son bagage poétique devraient être laissées dans l’ombre plutôt que si bruyamment applaudies, et que ses parodies un peu lourdes de quelques-uns de nos romans européens étaient dignes tout au plus des feuilles volantes qu’on a eu le tort de rassembler en volume (Sensational Novels). Pour les récits au contraire, on se rangerait volontiers de l’avis de Charles » Dickens, qui, peu de mois avant sa mort, saluait avec une noble émotion