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avant la guerre « on ne s’appartenait plus. » J’aime mieux un autre des chefs de la préfecture de police, M. Marseille, disant sans détour dans l’enquête : « Nous sommes arrivés à la révolution de septembre. Se soutenir était chose impossible dans cette situation à un gouvernement qui avait cru nécessaire de faire la guerre pour changer l’ordre des idées, que la bourgeoisie désaffectionnait, et contre lequel les ouvriers, qui pendant quelques années avaient eu quelque déférence pour lui, se montraient très hostiles. » Ce jour-là en effet, l’empire meurt parce qu’il ne peut plus vivre, parce qu’il est au bout des conséquences de toutes ses fautes. Il disparaît, mais en disparaissant il laisse, avec l’invasion qui déborde sur Paris, cet état moral qu’il a en partie créé, qui va s’aggraver sans nul doute par la révolution du 4 septembre, où fermente déjà tout ce qui, avec du malheur, des fatalités et des fautes nouvelles, sera le 18 mars.


II

Il faut s’en souvenir, cette révolution du 4 septembre, sur laquelle les partis s’acharnent encore de toute la force de leurs passions ou de leurs illusions, n’a point été une révolution ordinaire. Elle n’est point venue au monde comme toutes les révolutions politiques, préparées et accomplies pour faire triompher un mouvement d’opinion. Elle a été, à proprement parler, un acte d’impatience effarée, de désespoir populaire poussé à bout par les conspirateurs toujours prêts à saisir l’occasion, subi par les adversaires réguliers et prévoyans de l’empire, favorisé au dernier instant par l’inertie d’un gouvernement frappé de stupeur, peut-être par la perte de quelques heures. Les passions révolutionnaires, réveillées sous l’empire, se sont précipitées par l’issue qui se rouvrait devant elles, rien n’est plus clair. L’opposition régulière, qui, depuis quelques jours, avait le fatal avantage de voir grandir son importance dans la mesure de nos revers, l’opposition, à la fois attirée et troublée par cette perspective d’un avènement dans un désastre, a suivi un courant qu’elle était impuissante à maîtriser. Le gouvernement ne pouvait plus rien, et en réalité il n’a rien essayé. Je ne fais pas l’histoire du 4 septembre, je veux seulement montrer le nœud des choses, le caractère supérieur des événemens dans une situation d’où tout va découler avec une irrésistible logique.

Y a-t-il un moment dans cette crise haletante où la catastrophe définitive aurait pu être détournée ? Peut-être ce moment a-t-il existé le soir du 3 septembre, avant que le coup de foudre de Sedan eût produit tous ses effets sur l’imagination publique, lorsque, dans