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catacombes, la niche étroite où reposent les restes de son époux. Une lampe brûle devant le tombeau. De ses deux bras tendus, elle élève son dernier-né vers les reliques vénérées du martyr ; le geste est joli, mais sans fermeté ; derrière elle, sa fille est debout, recueillie, la tête penchée, tenant à la main un jeune garçon qui présente une palme. Toutes ces poses sont jolies, mais l’exécution en est molle ; les draperies, couleur d’albâtre, ne s’ajustent pas bien aux corps. Enfin la coloration générale, blanche, douce, claire et rose, même dans les ombres, ne donne pas l’idée du jour sépulcral des catacombes.

Si nous cherchions les contrastes, nous parlerions ici de M. Biard et de sa Traversée orageuse, qu’on pourrait aussi bien appeler le Mal de mer à dîner ; mais nous aimons mieux nous taire sur cette bouffonnerie. Il y a longtemps que M. Biard nous avait habitués à lui voir prostituer son remarquable talent dans de grossières plaisanteries. On serait très disposés à lui pardonner à l’occasion quelques boutades de mauvais goût ; ce qui ne peut se concevoir, c’est qu’il ait eu la patience de consacrer une toile d’au moins trente figures à un pareil sujet. Il y a là une vocation si déterminée, que nous ne voudrions pas la contrarier, et que nous préférons passer en silence.

Non loin des excentricités de M. Biard, M. Bonnat expose une vieille femme basque, toute vêtue de noir, à la mode de son pays, les yeux baissés, occupée à dire son chapelet. Cette peinture saine et ferme, faite de cette touche grasse et virile que chacun connaît, nous fait l’effet d’un cordial. Le tableau des Cheiks d’Akkabah, scène de l’Arabie-Pétrée, achève de nous remettre. Ce sont des cavaliers arabes arrêtés au fond d’un ravin rocailleux. Le paysage est éblouissant. De beaux rochers absolument nus se découpent au fond sur un ciel d’un bleu profond ; l’ombre qui les enveloppe est violette et chaude. L’autre versant du ravin est tout ensoleillé, tout embrasé de lumière ; on se sent dans une atmosphère de fournaise. On ne peut que féliciter M. Bonnat de ce premier essai de paysage, qui nous promet, en ce genre, de dignes pendans de ses autres œuvres.

Parmi les tableaux d’histoire proprement dits, il faut remarquer ceux de M. Laurens, qui se distinguent par une foule de qualités sérieuses, par une étude approfondie des sujets, et par une exécution consciencieuse et solide. Le pape Formose, exhumé par l’ordre de son successeur pour être jugé en concile, n’a guère qu’un succès de curiosité et d’estime. Le cadavre, couvert de ses ornemens pontificaux, est assis à côté de son avocat, vêtu de noir. Étienne IV, au banc de l’accusation, l’interpelle avec chaleur. Est-ce que les expressions et les attitudes sont trop vulgaires, ou bien le sujet