buste droit, mais tourné un peu de côté, comme une personne d’un caractère à la fois craintif et décidé, énergique et un peu farouche. Il semble, tant ce caractère est visible, qu’on y lise comme dans un livre. Grâce à une exquise précision de la forme, l’âme est transparente à travers son enveloppe, car, n’en déplaise aux mystiques qui négligent ou méprisent la forme, c’est surtout en fait d’art qu’il faut dire avec Aristote que « l’âme est la forme du corps. »
Il ne faut pas dissimuler à M. Humbert que depuis quelques années il ne justifie pas entièrement les grandes espérances qu’il nous avait données. Il est coloriste cependant, ce que n’est guère M. Lefebvre ; on pourrait même dire qu’il l’est trop. Entraîné par le plaisir des yeux, il se laisse aller quelquefois à des fantaisies juvéniles et à des compositions imparfaites où, pour parler la langue des ateliers, le chic remplace trop souvent les qualités sérieuses. Sa Tireuse de cartes n’est certainement pas une œuvre sans mérite ; mais, quoiqu’il ait cherché à la rendre étrange, elle ressemble vaguement à une vignette de la Vie parisienne. Cette jolie tête, fine, mais un peu plate, ces lèvres peintes d’un vermillon trop vif pour être naturel, cette robe rose, cette écharpe rouge, cette ceinture de pierreries, tous ces oripeaux d’assez mauvais goût où se joue la palette exubérante de M. Humbert, l’attitude même, aisée, mais sans noblesse, tout nous porterait à croire qu’au fond son Héléna n’est qu’une lorette en costume de bal masqué. Aussi préférons-nous de toute façon le Saint Jean-Baptiste enfant prêchant dans le désert. Il y a dans cette toile un effort sincère dont il faut savoir gré à l’auteur, lors même qu’il n’aurait pas complètement réussi. Ou je me trompe fort, ou bien il a voulu marier le style des grands maîtres italiens avec le réalisme expressif des écoles espagnoles et flamandes. Il y a du Léonard de Vinci dans la composition et dans le dessin ; il y a du Ribera et presque du Rembrandt dans l’expression extatique, inspirée, réaliste, dans le geste exagéré du jeune prophète. Il est à moitié couché sur un rocher, au pied d’un buisson, dans une solitude montagneuse ; d’une main il tient la croix, de l’autre il montre le ciel du doigt. Le corps nu est d’un dessin très remarquable, surtout la jambe qui se présente pliée, de face, et dont le raccourci est très puissant ; mais la tête, entourée de cheveux roux échevelés, manque de relief et de vigueur. M. Humbert, qui aime trop les raccourcis, modèle souvent ses têtes de face et sans ombre, de sorte qu’à distance elles font l’effet de surfaces planes.
Nous voudrions signaler encore un charmant portrait d’enfant de M. Henner : c’est un jeune garçon vêtu de drap noir, debout, sa toque à la main, dans une attitude simple et déjà virile, avec