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analogies ? Non sans doute, le passé n’est pas pur de tout excès de ce genre. Toutes les fois qu’on voudra, on trouvera à tous les désordres, à tous les crimes, des précédens dans l’histoire ; mais, je le demande, comment ces exemples tirés de l’ancien régime, tels que l’exhumation des corps enterrés à Port-Royal, ordonnée par un caprice de despotisme monarchique, tels que les ravages commis dans les églises par les fureurs sectaires au temps des guerres de religion, s’appliqueraient-ils à cet emportement systématique, général, ici capricieux et désordonné, là organisé, discipliné, de presque tout un peuple soulevé contre les monumens de son passé ? Comment deviendraient-ils des circonstances atténuantes pour la révolution notamment ? Contre qui se faisait-elle ? N’était-ce pas contre ces temps mêmes dont elle maudissait le fanatisme barbare, qu’elle se vantait de remplacer par des mœurs plus douces ? Que l’on dise que la réaction contre un fanatisme amenait un autre fanatisme, cette explication, très discutable en elle-même, n’ôte rien à l’objection qui reproche à la révolution comme une inconséquence criminelle d’avoir déchaîné une barbarie plus destructive que la France n’en avait connu à aucune époque.


III

Sans essayer d’entrer dans le dernier détail des dégradations et des pertes, qui serait infini, nous désirons ne pas rester dans les termes d’une trop grande généralité. L’exactitude, qui est de devoir en histoire, l’est ici d’autant plus que la question reste encore livrée aux controverses des partis. N’y a-t-il d’autre moyen de combattre certaines légendes royalistes que de leur opposer une légende révolutionnaire, tantôt environnant d’une auréole des héros peu intéressans, tantôt atténuant, adoucissant le mal amnistié dans ses intentions et amoindri quant à l’étendue qu’on lui attribue ? À en croire de nouveaux apologistes, la réfutation semble contenue dans ces mots : on a exagéré ! Ainsi on n’a pas tant guillotiné, on n’a pas tant détruit, on n’a été ni tellement septembriseur ni tellement iconoclaste que l’ont prétendu des gens malintentionnés. Nous voulons bien ; mais examinons.

C’est particulièrement sur les dévastations commises dans la basilique de Saint-Denis que portent ces réclamations. C’est à croire que nous sommes dupes d’une illusion. Nous avons été trompés là-dessus par Chateaubriand et par quelques poètes élégiaques : le premier a écrit à ce sujet un chapitre fort emphatique et fort peu concluant dans le Génie du christianisme ; les autres ont pleuré des larmes politiques que la réaction royaliste savait apprécier à