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des pertes irréparables. Il est temps que la convention arrête ces funestes excès. » Où sont pourtant les traces de cette résistance pendant cinq mois ? Nous les cherchons en vain. C’est encore Lakanal qui revient sur la brèche. Il insiste, il fait accepter le décret du 6 juin qui porte « la peine de deux ans de fers contre quiconque dégraderait les monumens des arts dépendans des propriétés nationales. » Deux ans de fers ! certes la peine était sévère ; ne l’étaifc-elle pas trop dans certains cas, pour certains individus ? Fut-elle exécutée ? C’est bien douteux. Les pouvoirs restés debout étaient désarmés devant la multitude, et les municipalités paraissaient, nous l’avons dit, plus fréquemment mêlées à ces désordres qu’occupées pu résolues à y mettre de sérieux obstacles.

Achevons de montrer ce que fit la convention pour modérer du moins l’étendue des dégradations. Outre les monumens, il y avait les dépôts. Ces dépôts étaient remplis de livres, de meubles, d’objets d’art. Il fallait prendre des précautions contre les pertes qui pouvaient résulter de la confusion de ces dépôts, où s’entassaient tous ces trésors provenant de la suppression des monastères et des biens des émigrés. C’est à cela que travaillèrent diverses commissions. La première fut la commission des monumens, nommée dès le 18 octobre 1792, confirmée le 17 août 1793. Elle, était chargée de dresser l’inventaire de tous les objets précieux, livres, tableaux, statues, etc. Son président, le célèbre philanthrope Larochefoucauld, s’adjoignit lui-même plusieurs savans et artistes qu’il réunit pour procéder au choix des monumens et des livres que ce comité voulait conserver plus particulièrement. La municipalité de Paris, qu’on trouve mêlée à des actes par trop peu en rapport avec cette mesure, nommait aussi des artistes et des savans qui apportèrent leur concours à la commission des monumens. Qu’advint-il de cette commission ? Après avoir fait preuve à ses débuts d’un zèle sans doute mal secondé, elle tombe dans une incurie qui finit par exciter les murmures. Le 18 décembre 1793, le rapporteur Mathieu, parlant au nom du comité d’instruction publique, constate une masse de dévastations, de pertes, de méventes dont il rendait hautement la commission responsable. Elle fut remplacée, sur la proposition du rapporteur, par la commission temporaire des arts, à laquelle s’attache une juste célébrité. Cette commission en effet se composait d’hommes spéciaux, quelques-uns illustres, tels que Berthollet, Monge, Lamarck, Brongniart, Corvisart, Vicq-d’Azir. Elle était divisée en douze sections, selon la nature des objets qui appelaient ses soins. Le même conventionnel Mathieu en saluait l’entrée en fonction dans des termes qu’il suffit de rappeler. « C’est à la convention nationale, disait-il, de faire aujourd’hui pour les arts, pour