Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/808

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marquées d’une insignifiante banalité ? On ne saurait sans doute non plus prétendre que le théâtral a cessé parmi nous de faire école. Combien de questions qui tiennent au fond même de la civilisation, bien qu’elles ne paraissent en exprimer que les côtés tout extérieurs ! Combien d’enseignemens contenus, sans presque qu’on ait besoin de s’appliquer à les en dégager, dans cette grande expérience révolutionnaire !

C’est cette expérience qu’il convient de suivre sous ses deux faces, l’une toute destructive, l’autre qui se rapporte à des fondations ou à des tentatives de réforme. Nous commencerons par le vandalisme. Bien des faits y sont à éclaircir, bien des leçons aussi à en tirer. Nous allions dire, si la honte et la douleur ne nous retenaient, que le sujet est à l’ordre du jour ; les vandales de 1871 n’ont que trop remis en mémoire les vandales de 1793.


II

Quelles ont été les origines du vandalisme révolutionnaire ? Nous avons déjà répondu que ce ne furent point des ennemis systématiques du luxe public et des arts qui entreprirent ces destructions comme une sorte de campagne contre la civilisation. Certains esprits disposés à voir partout des complots et des mots d’ordre ont cru reconnaître dans cet entraînement la présence d’une main mystérieuse, les fils cachés d’une conspiration savamment ourdie. Les uns l’ont attribué à la direction d’un des partis qui dominaient la France, les autres à l’or de l’étranger poussant la révolution aux excès pour la mieux déshonorer. Rien ne justifie ces accusations, et tout nous paraît les démentir. Elles pouvaient bien retentir pendant la révolution, dans ces heures troublées où on veut à tout prix avoir devant soi un ennemi désigné, responsable. Tous les grands mouvemens populaires ont eu et ont leur source en eux-mêmes. Celui-là ne fait pas exception et s’explique suffisamment, selon nous, par les lois éternelles de la nature humaine. Un irrésistible instinct pousse les peuples à personnifier la foi religieuse ou politique dans des symboles ; ils les vénèrent tant que cette foi subsiste, et, par un instinct non moins irrésistible, on les voit se retourner contre eux avec une haine farouche dès que la même foi n’existe plus. Plus cette révolution dans les idées aura été soudaine dans ces masses qui ne reçoivent le contrecoup du changement opéré dans les idées que lorsqu’il s’est accompli lentement dans les classes supérieures, plus violent sera le mouvement qui précipitera contre ces symboles, la veille même trouvent l’objet d’un culte idolâtrique, les multitudes égarées. Ne cherchons pas