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ne s’applique qu’à l’Angleterre : l’Ecosse et l’Irlande sont soumises à d’autres lois. Dans ces deux divisions du royaume-uni éclate pourtant la même lutte entre des doctrines rivales. Il y a peu de temps, le comité de l’église libre d’Ecosse demandait, comme seul moyen de résoudre la difficulté, que la religion fût éliminée de l’école. Cette déclaration a d’autant plus d’importance que les Écossais sont bien connus pour leur attachement à la foi chrétienne. En Irlande, l’état pourvoit aux besoins de l’éducation scientifique et littéraire ; mais il exclut des institutions nationales l’enseignement religieux. Il est vrai que le clergé catholique voudrait abolir cet ordre de choses et lui substituer une éducation fondée sur les dogmes de l’église romaine. Le 17 janvier 1872, un meeting eut lieu à Dublin dans la cathédrale ; le cardinal Cullen y prit la parole, et s’éleva vigoureusement contre ce qu’on appelle en Irlande mixed schools, c’est-à-dire des écoles neutres où se confondent sur les mêmes bancs des enfans de toutes les croyances. Il est néanmoins certain que ce système rencontre des défenseurs éclairés. En 1866, le primat d’Irlande, la moitié des évêques et du clergé protestant, quarante-cinq pairs irlandais et plus de six cents juges de paix signèrent une adresse pour réclamer le maintien de ce qui existe aujourd’hui. Beaucoup d’écrivains anglais très bien renseignés affirment que cette séparation de l’élément séculier et de l’élément religieux a élevé le niveau de l’enseignement primaire, apaisé les dissensions, désarmé les haines, rapproché les esprits sur le terrain des vérités positives. Tandis que dans les établissemens dogmatiques l’instruction littéraire est trop souvent reléguée au second plan, dans les écoles mixtes les élèves consacrant tout leur temps et tous leurs efforts à acquérir certaines connaissances utiles. L’instituteur fait son devoir, il laisse au prêtre le soin de faire le sien : la mission de l’un est toute laïque, celle de l’autre est sacerdotale ; l’école et l’église se partagent ainsi l’éducation de la jeunesse. D’après une parole célèbre, c’est le système qui divise le moins dans un pays où, animés les uns contre les autres de passions farouches, les catholiques et les protestans en viennent trop souvent aux mains.

En Angleterre, il est assez difficile de prédire l’issue de la lutte entre deux principes irréconciliables. Le fait est que les sacrifices d’argent, les combinaisons ingénieuses, les lois plus ou moins libérales, sont venus échouer depuis près d’un demi-siècle contre le même écueil, — la question religieuse. La résoudra-t-on par des concessions et des demi-mesures ? L’expérience dit non. On prétend que la résistance du clergé anglican tient à certaines craintes bien naturelles : derrière la séparation de l’église et de l’école, il a