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épuisé les moyens de douceur et de persuasion. L’officier se présente dans la maison de l’enfant dont le nom figure sur la liste des absens, et s’informe des raisons que donnent les parens pour ne point l’envoyer à l’école. S’ils résistent à ses avertissemens et méprisent ses conseils, il cite les délinquans devant la justice de paix, justices, qui les condamne à 5 shillings d’amende. Qu’on veuille bien y réfléchir, et l’on reconnaîtra que cette coercition est surtout dans l’intérêt des classes pauvres. Il y a trois milieux dans lesquels s’exerce en Angleterre l’éducation, — la famille, l’église et l’école. L’enfant pauvre ne trouve souvent chez lui que de mauvais exemples, et il ne va guère à l’église ni à la chapelle ; il ne reste donc que l’école où il soit à même de puiser aux sources du vrai et de la morale.

Parmi les parens qui négligent de faire instruire leurs enfans, les uns ne veulent point acquitter les frais et les autres n’en ont point les moyens : les premiers sont atteints par le système obligatoire ; c’est pour les seconds que beaucoup d’Anglais réclament l’enseignement gratuit. On a pourtant fait quelques objections ; l’exemption de toute solde n’affaiblirait-elle point ce sentiment de responsabilité que les familles doivent avoir pour leur progéniture ? L’Anglais est habitué à n’estimer que ce qu’il paie : la rétribution scolaire donne aux yeux des parens une valeur à l’éducation. Ces motifs n’ont peut-être point été étrangers à la résolution de la chambre des communes ; mais en repoussant le principe de la gratuité elle a surtout cédé à une considération plus puissante, — le montant de la dépense[1]. Toutefois les membres de la ligue ne se tiennent point pour battus : ils demandent si l’entrée gratuite des bibliothèques publiques a déprécié la valeur des bons livres. D’ailleurs l’argent dépensé pour les écoles est une économie prélevée sur le work-house, la police et les prisons. Les contribuables anglais paient chaque année près de 11 millions 1/2 de livres sterling pour la taxe des pauvres ; la police coûte plus de 50 millions de francs ; les frais pour la punition des attaques contre la propriété se sont élevés en 1870 à plus de 3 millions de livres sterling. Ce sont autant de tonneaux des Danaïdes par lesquels s’échappent des flots d’or, et qu’il faut toujours remplir. Un savant jurisconsulte anglais, M. Matthew Hill, frère de l’ancien directeur des postes, a démontré par des faits le lien qui existe entre l’ignorance et la criminalité. Les rapports officiels constatent que, sur 100 prisonniers, 90 ne

  1. On a calculé que l’éducation donnée à tous les enfans de cinq à treize ans coûterait à l’état de 2 à 3 millions de livres sterling par an. C’est beaucoup moins que n’a coûté la guerre d’Abyssinie, et que ne coûtent en ce moment les travaux de fortifications pour couvrir les côtes de l’Angleterre.