Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/737

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trade-unions, et qui s’était organisé pour seconder l’élection de quelques ouvriers à la chambre des communes. Dès que ces travailleurs apprirent l’existence de la National éducation league, ils se rassemblèrent entre eux pour examiner une question qui intéressait à un si haut degré le sort de la classe la plus nombreuse et la moins instruite. Il fut décidé que l’œuvre méritait leur chaleureux concours, et que tous les membres présens s’engageaient à la soutenir par tous les moyens en leur pouvoir. Cette résolution fut signée par un grand nombre de secrétaires, et l’un d’eux représentait de 30,000 à 40,000 mécaniciens.

Le comité exécutif de la National éducation league venait de rédiger un projet de loi qui devait être soumis à l’examen des chambres lorsque le bruit se répandit que le gouvernement anglais, toujours habile à devancer les vœux de l’opinion publique, allait proposer lui-même un nouveau bill sur l’instruction primaire. Ce bill, qui fut en effet présenté à la chambre des communes le 19 février 1870, était à la fois pour la ligue une victoire et une défaite, — une victoire en ce sens que ses principes avaient triomphé, une défaite parce que l’application ne répondait point à tous ses désirs. D’accord avec les promoteurs du mouvement, M. Forster, l’auteur du nouveau projet de loi, déclara que le devoir du gouvernement était de veiller à ce que, dans chaque district du royaume, l’éducation primaire fût distribuée par l’entremise d’autorités locales. Il faut se souvenir que les Anglais ont longtemps témoigné un vif sentiment de défiance envers le pouvoir central, quel qu’il fût. Ce sentiment, qui avait bien des raisons d’être et auquel nos voisins doivent le maintien de leurs libertés, s’est beaucoup affaibli depuis le triomphe du premier et du second reform bill. Aujourd’hui le gouvernement est la nation elle-même. Les jalousies et les inquiétudes bien naturelles qu’inspirait aux communes dans les âges de compression l’autorité de l’état se sont à peu près évanouies. Il est même à remarquer que ce sont les radicaux qui ont le moins peur de cet ancien fantôme, et qui, dans ces dernières années, ont imposé au gouvernement central des devoirs et des charges regardés jadis comme tout à fait en dehors de sa compétence. Tel est pourtant le respect des Anglais pour les droits des communes que nul d’entre eux ne songeait à remettre le système des écoles entre les mains de l’état. Ils y voyaient deux inconvéniens : le premier est que la dépense serait trop considérable, l’état payant toujours plus cher que les corporations pour tout ce qu’il administre ; le second, qui les frappait surtout, était l’atteinte portée au self-government, la meilleure garantie et le plus ferme rempart des libertés britanniques. M. Dixon, membre du parlement et président de la ligue, demandait une