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jusqu’ici la grandeur française. Voilà la vérité, et M. le duc d’Audiffret-Pasquier était certainement dans son droit en n’acceptant pas absolument une discussion circonscrite dans l’examen de questions subalternes, en replaçant l’ancien ministre d’état en face de la politique d’où ont découlé tous nos désastres, l’invasion, l’incendie de nos villes, l’humiliation de nos armées, la perte de deux de nos provinces. C’est pour cela, précisément que la lutte était inégale entre M. d’Audiffret ayant dans les mains de si terribles armes et M. Rouher réduit à éluder habilement la vraie et unique question.

Après cela, que M. Rouher, en cherchant à réhabiliter l’administration impériale sur quelques points, ait plus ou moins réussi à mettre en cause le 4 septembre, à rejeter sur le gouvernement de la défense nationale une certaine part de responsabilité dans la continuation de la guerre, dans les abus qui ont signalé la seconde phase d’une lutte désastreuse, nous le voulons bien ; c’est un procès qui s’instruit encore. Le gouvernement du 4 septembre, selon le mot spirituel de M. d’Audiffret, a pris la suite des affaires de l’empire. Sous ce rapport, il a subi des fatalités auxquelles il n’a pu se dérober ; d’un autre côté, il est bien clair qu’à partir d’une certaine heure il a eu son initiative, il est resté maître de ses résolutions : il demeure responsable de la direction qu’il a imprimée à la guerre, de l’administration des affaires de la France aussi bien que des marchés et des opérations financières qu’il a cru devoir négocier. Au fond, sait-on quelle est la plus évidente moralité de cette discussion ? Elle n’a profité réellement ni à l’empire, qui est sorti du débat plus meurtri que jamais, ni au gouvernement du 4 septembre, sur lequel on ne s’est point prononcé ; elle n’a été bonne que pour le pays, dont elle a élevé la cause au-dessus de toutes ces compétitions passionnées de systèmes et de gouvernemens empressés à se défendre ; elle a dégagé et précisé une fois de plus le droit, l’incontestable droit qu’a la France de demander compte aux uns et aux autres des forces et des ressources qu’elle a prodiguées, de sa fortune morale, politique, militaire. C’est le mérite de M. le duc d’Audiffret-Pasquier de s’être fait l’organe impartial et éloquent de cet intérêt supérieur du pays. C’est le mérite de M. le duc de Broglie d’avoir résumé la moralité de cette discussion dans un ordre du jour qui livre de nouveau et plus que jamais aux commissions d’enquête tout ce qui s’est fait « avant et après le 4 septembre, » qui a eu l’étrange fortune de rallier tous les suffrages, même les votes de M. Rouher et de M. Gambetta, — de telle sorte que ce débat, engagé devant l’assemblée entre l’empire et le 4 septembre, a fini par une victoire de l’honnêteté publique évoquant devant elle toutes les responsabilités.

Victoire de l’honnêteté, disons-nous, victoire aussi de la raison politique dans une assemblée qui est trop nombreuse pour ne pas se laisser