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principe qui, suivant la couleur qu’on veut obtenir, est soumis à une transformation chimique déterminée ; c’est la même molécule qui, modifiée dans sa structure profonde par des réactifs appropriés, devient successivement rouge, bleue, verte, violette. Celui qui observe d’un œil attentif l’influence de la chimie sur toutes les industries ne doute pas de la réalisation d’un progrès analogue dans d’autres directions ; il a la confiance que la thérapeutique parviendra un jour à modifier à son gré les propriétés des principes médicamenteux, non plus au moyen de mélanges dans la fiole du pharmacien, mais à l’aide de métamorphoses précises et déterminées, opérées dans l’intimité même de la molécule du principe actif. Des expériences récentes de MM. Crum-Brown et Fraser ont inauguré brillamment ce genre de recherches.

La thérapeutique a tiré parti et pourra de plus en plus bénéficier des travaux de la physique. L’application de l’électricité, de la chaleur, du froid, du magnétisme, de la lumière, au traitement des maladies en est encore au rudiment, quoique des résultats importans aient déjà été obtenus. Il faudra étudier avec un soin rigoureux l’action de ces forces diverses sur l’économie humaine. Ces forces elles-mêmes ne sont-elles pas étroitement liées au milieu cosmique dans lequel nous vivons, milieu soumis aux conditions générales de la mécanique céleste ? C’est dire que le progrès de l’art médical n’est pas indépendant de celui des recherches sur les rapports de l’organisme avec les agens qui semblent ne l’atteindre qu’à peine.

C’est ainsi que l’histoire nous montre toutes les sciences réagissant continuellement les unes sur les autres et se perfectionnant par de réciproques et profondes influences. C’est ainsi qu’elles se soutiennent et sont inséparables, et que toutes ensemble donnent finalement à l’art de guérir aussi bien qu’aux autres genres d’industrie une puissance et une sûreté croissantes. Telle est la vertu des spéculations et des expériences méthodiques entreprises sans aucun souci d’utilité ; mais, précisément parce que cette évolution multiple et laborieuse s’accomplit, à l’insu même de ceux qui en sont les ouvriers, sous l’influence d’un petit nombre d’idées générales dont la philosophie est la source permanente, il arrive, par une juste et admirable réaction, que les sciences fécondées par la philosophie la fécondent à leur tour.


FERNAND PAPILLON.