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science, mais encore y consacraient une part de leurs méditations rénovatrices et même de leurs expériences. Sous leur influence, les études de médecine reçurent une activité et une précision, nouvelles. On importa dans la biologie les méthodes et les systèmes de la physique et de la chimie, on rechercha la combinaison des forces et la composition des organes de l’économie. La philosophie, en pénétrant la médecine, lui communiqua l’ardeur de chercher et le désir de lumière. Les spéculations du XVIIe siècle, ne l’oublions pas, sont le vrai point de départ de la magnifique élaboration scientifique dont cette époque et la suivante nous offrent le spectacle.

Le XVIIIe siècle suivit docilement dans les sciences l’impulsion de l’âge précédent. C’est alors que Bordeu, avec sa verve béarnaise et son étincelant génie médical, propagea l’usage des eaux minérales et surtout des eaux sulfureuses et thermales des Pyrénées, peut-être les plus actives de toutes. Il recommanda d’en boire, et les rendit célèbres par le talent avec lequel il sut en démontrer les effets. De grands médecins italiens étudiaient de très près l’action du quinquina. L’opium acquit, à partir du XVIIe siècle, une vogue extraordinaire. L’illustre Sydembam, en décrivant la dyssenterie épidémique des années 1669-1672, s’écrie, après avoir expliqué la préparation du laudanum, qui a conservé son nom : « Je ne puis m’empêcher de féliciter le genre humain de ce que le Tout-Puissant lui a fait présent de ce remède qui convient dans un plus grand nombre de cas qu’aucun autre et qui les surpasse tous en efficacité. Sans lui, l’art de guérir cesserait d’exister ! » Les effets de ce remède provoquèrent cependant des discussions violentes et longues, auxquelles se rattache le nom de Brown. Ce médecin, qui professait à Edimbourg au milieu du XVIIIe siècle, y enseignait une théorie des effets de l’opium qui séduisit tellement ses disciples que ceux-ci lui élevèrent une statue avec ces mots gravés sur le piédestal : Opium, me hercle, non sedat. Brown contestait en effet avec passion les vertus calmantes du suc de pavot. Il le rangeait parmi, les excitans, et, pour prouver qu’il avait raison, il en avalait des doses énormes à ses leçons quand sa parois venait à languir. C’est dans la même école d’Edimbourg que professait Cullen, un des grands médecins du XVIIIe siècle. On lui doit la découverte de la principale propriété de la digitale, qui est de ralentir le mouvement du cœur, et par suite de diminuer la fréquence du pouls. Déjà Withering et Charles Darwin en avaient reconnu les vertus diurétiques et l’efficacité contre ; l’hydropisie, mais c’est à Cullen que revient l’honneur d’avoir mis en évidence ce fait considérable, que la digitale est l’opium du cœur.

Les progrès rapides de la chimie à cette époque ne pouvaient rester sans influence sur ceux de la thérapeutique. Ils avaient pour