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Théophraste ont résumé l’état des connaissances botaniques et zoologiques de leur temps devinrent le guide de l’empirisme thérapeutique sous l’influence duquel furent composés les premiers livres relatifs aux substances médicamenteuses, entre autres les traités de matière médicale de Scribonius Largus et de Dioscoride. Celui de Scribonius a pour titre : De la composition des médicamens. Il est dédié à un affranchi de l’empereur Claude. L’auteur en avait rassemblé les matériaux dans les diverses campagnes où il avait suivi les légions romaines comme médecin militaire. Dioscoride, qui vivait sous Néron, fut également attaché aux armées en qualité de médecin, et recueillit dans les pays qu’il parcourut un grand nombre de substances tirées des trois règnes de la nature. De retour à Rome, il fit un choix de celles qui lui parurent de quelque efficacité médicinale, et les décrivit en langue grecque dans un livre important qui nous donne la plus juste idée de la matière médicale de l’antiquité, et qui devait rester classique jusqu’au XVIe siècle. Il en a été de ce livre comme de ceux d’Aristote ; mais nous verrons que cette sorte de soumission à un vieux maître n’a pas empêché le progrès.

Galien, le plus savant et le plus systématique des médecins de l’antiquité, donne une forme et une impulsion nouvelles à la thérapeutique. Venu peu de temps après Dioscoride, il prétendit indiquer le meilleur parti à tirer des armes rassemblées par ce dernier dans l’arsenal de la pharmacie. Autant Hippocrate était convaincu qu’il faut laisser la nature agir presque seule dans les maladies, autant le médecin de Pergame croyait à la nécessité d’administrer beaucoup de remèdes. Aux méthodes expectantes, il substitua l’usage abondant des drogues et suggéra l’invention de ces mélanges complexes connus sous le nom d’électuaires. Le galénisme est l’origine de la polypharmacie. On admettait, sous l’empire des idées auxquelles ce médecin donna une consistance définitive, que, chaque substance conservant sa vertu propre au milieu de l’amalgame commun, celui-ci jouissait des propriétés de tous les ingrédiens employés pour le préparer, et formait ainsi une panacée souveraine contre une infinité de maux. La plus fameuse de ces compositions est la thériaque, que Bordeu appelle le chef-d’œuvre de l’empirisme, et à laquelle il a consacré une page pleine de verve. Préparée d’abord par Mithridate, elle reçut sa dernière perfection des mains d’Andromaque, médecin de Néron. La thériaque renfermait une centaine d’ingrédiens variés, minéraux, végétaux et animaux, dont quelques-uns très bizarres, comme la terre de Lemnos et la chair de vipère. Pendant longtemps, cet électuaire opiacé devait occuper une place importante dans les pharmacopées. On le