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séances de nuit ; les opposans viennent parler aux séances de nuit. Beaucoup de discours sont bien vides, et les orateurs ne s’en cachent pas ; ils veulent seulement parler, et ils l’avouent. Assez enclins eux-mêmes à interrompre, ils provoquent à leur tour des interruptions fréquentes ; ils ne le regrettent pas, le temps s’écoule, la lassitude est inévitable. Pour atteindre plus sûrement leur but, les députés de la gauche discutent pendant des séances entières sur l’ordre du jour (napirend), et interpellent à chaque instant les ministres sur un chemin de fer qui n’est pas terminé, sur un régiment qui a changé de garnison, sur le droit électoral des femmes. La majorité a-t-elle eu sérieusement l’idée de voter la loi en bloc ? En tout cas, c’est une tentation qui se concevrait. Nul autre moyen d’en finir, car au bout de cinq semaines on en était toujours au premier article, et l’on calculait qu’il faudrait vingt ans pour la discussion de la loi tout entière. Le 12 avril, M. Toth, avec une mauvaise humeur évidente, bien qu’avec résignation, a retiré sort projet en annonçant la clôture de la diète.

En effet, l’assemblée devait être, après une durée de trois ans, non pas dissoute, mais remerciée par le gouvernement, et les électeurs devaient être convoqués pour la formation d’une nouvelle diète triennale, suivant la loi de 1848, puisque cette loi reste en vigueur après l’échec du nouveau projet. Le 15 avril a eu lieu la séance d’adieu. M. Somsich, le président de la chambre des députés, a prononcé un long discours. plein à la fois de patriotisme et d’amertume, et n’a pas ménagé à ses collègues des reproches bien naturels de la part d’un homme qui vient de présider une pareille fête parlementaire de cinq semaines. Le lendemain 16 avril a été prononcé le discours royal. Un des chefs de l’extrême gauche, M. Madarasz, avait annoncé que ni lui ni ses amis ne se rendraient à la séance ; tous les députés qui y ont assisté ont fort bien accueilli le roi. François-Joseph est personnellement populaire, et les Magyars, toujours chevaleresquement dévoués à leur souveraine, témoignent une reconnaissance particulière à la reine actuelle, qui s’est donné la peine d’apprendre leur langue, et qui la parle fort bien. Quant au discours du trône, il exprime sous une forme générale une grande satisfaction des réformes votées, des nouveaux crédits accordés : mais dans un paragraphe fort, significatif il ne dissimule pas les regrets du gouvernement au sujet des embarras suscités par la, discussion électorale et du temps perdu pour bien des lois utiles indéfiniment retardées.

Dès le milieu d’avril, l’agitation électorale a commencé, pour durer plusieurs mois ; les candidats prononcent des discours, envoient des lettres aux journaux, tracent des programmes. Il semble que