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publique reposaient un peu de ces questions brûlantes. Devant le besoin universellement senti des progrès de l’instruction nationale dans toutes les branches, les partis modéraient leur vivacité, le patriotisme inspirait l’apaisement. En Hongrie, une fraction considérable des hautes classes, obéissant aux funestes conseils de l’intérêt conservateur mal entendu, a été longtemps indisposée contre la science ; mais les leçons de l’expérience n’ont point été perdues. Ce sont les députés conservateurs qui ont le plus vigoureusement appuyé les projets nouveaux. M. Csengery, excellent critique, désire les progrès de l’économie sociale autant que M. Edouard Horn, l’économiste de l’opposition, il a montré une connaissance approfondie des lois qui régissent en chaque pays l’enseignement populaire, et n’a pas oublié, comme modèle de sage progrès, la loi Guizot de 1833. M. Deák a lui-même pris la parole sur une petite question d’augmentation du traitement des professeurs, et a déclaré bien haut que c’étaient là, pour une nation, de sages prodigalités, de l’argent placé à gros intérêts. Les orateurs de l’opposition se sont montrés encore plus pressés que la majorité dans leur ardeur de réforme. Ils ont voulu peut-être trop supprimer et surtout trop créer à la fois ; cependant aucune différence grave ne les séparait de leurs adversaires et du ministre de l’instruction publique. M. Pauler a succédé dans cette charge importante au regretté Joseph Eotveos, un des plus fermes esprits politiques, une des intelligences les plus ouvertes qu’il y eût en Europe. Le baron Eotveos est mort l’année dernière, bien jeune encore ; mais l’esprit de renouvellement qu’il avait donné à son administration lui a heureusement survécu, et son successeur a aisément obtenu de toutes les nuances de la chambre les crédits dont il avait besoin pour l’université de Pesth, les écoles populaires et surtout les écoles réales perfectionnées sur le modèle allemand. Une belle retraite a été accordée à M. Toldy, l’infatigable historien de la Hongrie et, comme l’a dit M. Saint-René Taillandier, le patriarche de la littérature magyare, pour qu’il eût tout le loisir de consacrer ses dernières années à l’achèvement de son œuvre vraiment nationale. Le musée de Pesth, qui comprend à la fois des collections d’histoire naturelle, d’antiquités, de tableaux modernes et une riche bibliothèque, a reçu des crédits nouveaux. Son directeur, M. Pulszky, a soutenu d’assez vives attaques avec la verve et la fermeté d’esprit qui lui valurent jadis un rôle important dans la révolution hongroise et dans la révolution devienne, suivi, il est vrai, d’une double condamnation par contumace ; mais aujourd’hui M. Pulszky ne semble pas se ressentir beaucoup d’avoir été pendu à Pesth et décapité à Vienne il y a vingt-trois ans.