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l’on pourrait redouter le triomphe d’un candidat de la droite conservatrice.

Ce parti conservateur, le parti du dualisme, possède encore la majorité dans la diète, et semble tenir le pouvoir plus solidement que jamais ; le ministère magyar, présidé par le comte Lonvay, n’est-il pas sorti de son sein, et le chef du ministère commun, le premier personnage de tout l’empire, n’est-il pas le comte Andrassy ? Et combien de talens parlementaires ! M. Deák, fatigué, disait-on, usé par les longs efforts de sa vie politique, a de nouveau fait retentir sa parole ferme, logique, serrée, toujours écoutée avec respect de ses adversaires même. Des hommes de tout âge, surtout des jeunes gens, élément important et difficile à recruter pour les partis conservateurs, soutiennent sans broncher les attaques passionnées de l’opposition, et les ministres s’expriment avec netteté, souvent avec éloquence. Eh bien ! ce parti, qui gouverne depuis cinq ans, dont la puissance a toujours semblé grandir, est sérieusement menacé. Beaucoup de ses amis le trouvent timide, embarrassé, défiant de lui-même et de l’avenir. Deux hommes politiques, deux patriotes depuis longtemps célèbres parmi leurs concitoyens et même en Europe, le général Klapka et M. Szentkirályi, ont essayé dans ces derniers mois de créer une sorte de centre droit, qui professerait les mêmes principes conservateurs que les fondateurs du dualisme, mais avec un esprit de réforme plus prononcé ; malheureusement il ne semble pas que cette nuance réformiste obtienne de nombreuses adhésions ; elle affaiblira un peu les conservateurs et ne les changera pas.

On ne saurait pourtant reprocher au parti Deák d’être demeuré oisif, surtout dans ces derniers temps. Il s’est beaucoup occupé de la viabilité, si importante et si arriérée dans ce pays agricole, de l’instruction populaire, non moins arriérée, non moins importante. Il a organisé, exercé l’armée nationale des honvéd, dont les manœuvres ont été fort appréciées par les hommes compétens de tous les pays. Enfin il a osé modifier, par la suppression de quelques abus, la belle institution des comitats, et rendre l’administration de la justice indépendante des élections politiques. Les magistrats, élus par une funeste confusion des pouvoirs, se faisaient quelquefois des arrestations et des accusations criminelles un instrument de domination égoïste, et d’honnêtes gens étaient victimes de cette tyrannie de clocher. Par exemple, il y a trois ou quatre ans, dans un comitat du nord-ouest, un puissant petit personnage redoutait la concurrence d’un homme fort estimé qui se constituait son adversaire. Que fit-il ? Il le jeta en prison moyennant une ridicule accusation d’empoisonnement, et, en vertu des pouvoirs qu’il tenait de