les refus du cabinet anglais se succéderont jusqu’au bout dans le même ordre et en conservant le même caractère. Il n’est pas jusqu’aux négociations particulières avec les autres puissances neutres où nous ne retrouvions la trace des résolutions adoptées à Londres, sinon parfois la lettre même des formules employées au foreign office et empruntées par lui à M. de Bismarck. Si nous demandons une médiation, on nous répond, comme lord Granville, qu’il vaut mieux négocier nous-mêmes. Si nous réclamons un armistice, on nous engage à traiter directement. Si nous protestons contre la violation des lois de la guerre, on nous réplique que nous n’avons pas de gouvernement reconnu. Si nous demandons enfin qu’on reconnaisse notre gouvernement et qu’on traite avec nous, on nous dit que ce gouvernement n’a pas le droit de parler au nom du pays tant qu’il manque de sanction légale. D’ailleurs on proteste du désir qu’on a d’arrêter la guerre, et l’on nous offre généreusement de nous mettre en relation avec le vainqueur, pourvu que nous soyons résignés à subir toutes ses conditions.
Aussi ne pouvons-nous pas croire que l’Angleterre ait obéi au hasard des événemens, à l’inspiration de chaque jour, sans projets arrêtés, sans desseins soutenus, et que dans sa pusillanime abstention à l’égard de la France il n’y ait rien de volontaire et de calculé. Non, l’Angleterre n’ignorait pas ce qu’elle faisait. Elle ne désirait pas le démembrement de la France, mais elle s’y résignait dans la pensée qu’elle n’en souffrirait pas. Elle a espéré qu’en laissant faire les armées allemandes elle tirerait, comme on dit familièrement, son épingle du jeu, et rejetterait sur nous tout le fardeau de la rupture qui allait se produire dans l’équilibre de l’Europe.
Nous n’accompagnerons pas l’envoyé extraordinaire du gouvernement de la défense nationale dans toutes les péripéties de son long et triste voyage à Saint-Pétersbourg, à Vienne et à Florence, à la recherche d’une alliance ou seulement d’une médiation qui lui échappait toujours, et que ni son habileté, ni son patriotisme ne pouvaient créer à son pays. Tout le monde en connaît les principaux incidens ; nous ne voulons rechercher ici que la part de l’Angleterre dans cette lamentable histoire de notre abandon et de nos mécomptes.
A Saint-Pétersbourg, M. Thiers trouva le cabinet russe animé d’une réelle bienveillance, quoique spéculant secrètement sur nos défaites, sincèrement désireux de nous épargner l’humiliation d’une cession de territoire, quoique songeant avant tout à profiter de