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dans l’exposition, la vigueur et la fermeté logique dans les conclusions ; avec les grâces et les finesses d’une élocution dont les professeurs d’outre-Rhin n’ont jamais eu le secret, et qui a charmé les auditeurs de notre vieille Sorbonne pendant près de vingt ans. Si Berger était un homme de goût, comme les maîtres qui l’avaient précédé dans l’enseignement des belles lettres en France, il était aussi un homme de science, à tel point que l’on peut dire que sa faculté maîtresse était encore plutôt l’esprit philosophique que le sentiment esthétique. C’était bien plus un professeur de littérature que de rhétorique, quoiqu’il ait excellé dans ce second enseignement ; il aimait à comprendre encore plus qu’à sentir et à rendre ses impressions esthétiques, il inclinait vers la méthode de critique qui tend à faire de la littérature une science, par les vues historiques et philosophiques auxquelles relevait la variété de ses études. Aussi ne négligeait-il aucune occasion d’éclairer l’histoire de l’éloquence par le droit, la politique, la philosophie, la religion, en un mot, par l’étude du génie romain considéré sous toutes ses faces. En un cours qui n’a pas duré moins de quinze ans à la Faculté des lettres, et où il a parcouru plusieurs fois le même cercle d’études ; Berger avait pu embrasser toute l’histoire de l’éloquence latine sans en négliger un seul point important, comprenant dans ce vaste et profond travail tous les écrivains, en prose de la littérature latine, les historiens, les philosophes à côté des orateurs, les auteurs de lettres, de mémoires et d’ouvrages techniques, et y mêlant même certains poêles comme Lucrèce et Lucain, chez lesquels la forme poétique n’était qu’une façon plus expressive et plus forte d’écrire l’histoire ou la philosophie.

Tout en étant de la nouvelle école pan l’esprit de sa critique, Berger, par sa rare modestie et son peu de souci de la publicité, était resté fidèle aux sévères traditions de l’enseignement classique. Il n’enseignait que pour l’instruction de ses auditeurs et de ses élèves, sans songer à faire servir ses leçons à sa réputation personnelle. Il a donc fait, pendant de longues années ; ce qui n’avait été ni fait ni tenté avant lui, une histoire savante et développée de l’éloquence latine, depuis ses premiers bégaiemens jusqu’à ses dernières paroles. Ce cours n’a pas eu le moindre écho en dehors des murs de la Sorbonne ; pas une ligne de la main du professeur n’en a paru dans le public savant et lettré ! De toute cette œuvre jugée remarquable à tous égards par ceux qui ont entendu le professeur, il n’est resté que des rédactions plus ou moins complètes pour certaines parties de cet enseignement, et pour toutes les autres de rares et courtes notes, de simples programmes très secs de leçons, le tout avec une grande richesse de textes.

C’est à un de ses élèves les plus laborieux et les plus dévoués, M. Victor Cucheval, que la famille et les amis de Berger ont confié la difficile tâche de reconstituer l’œuvre entière du professeur, soit en comblant les lacunes, en corrigeant et en complétant les rédactions ; soit en