Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par les missionnaires aux chrétiens traduits devant les tribunaux, on ne saurait la blâmer en elle-même ? elle ne deviendrait un motif réel de plainte que s’ils voulaient soustraire des coupables ou des accusés à la justice du pays. Le gouvernement français, ajoute M. de Rochechouart, ne nie pas que les chrétiens causent des inquiétudes au gouvernement chinois ; mais il croit bien plus qu’ils servent de prétexte aux adversaires systématiques des étrangers. « Au fond toutefois, conclut-il, le danger existe, il a augmenté pendant. ces dernières années ; il pourrait devenir irrémédiable, si une entente parfaite ne s’établissait entre les deux gouvernemens. »

Cette entente serait très nécessaire à notre avis. Il est temps que la France se débarrasse du protectorat qui est la conséquence de ses guerres, et qui la tient sur une défensive continuelle ; il faut placer les missions sur un autre terrain, en leur créant, au moyen de négociations auxquelles se prêtera sans doute le gouvernement de Pékin, un modus vivendi qui fasse cesser l’antagonisme qui existe. On pourrait fixer par une convention des règles d’étiquette qui seraient particulières aux ministres du culte catholique, établir entre les missionnaires et l’autorité chinoise un système de relations qui tiendrait les mandarins au courant du développement des communautés, et ne leur permettrait plus de les considérer comme autant de groupes séparés de fait ou d’apparence de leur juridiction. A des époques déterminées, ils visiteraient les établissemens et les orphelinats catholiques. Ces concessions auraient la plus heureuse influence sur les progrès de l’apostolat catholique en donnant aux missions une existence librement consentie par la Chine.

La France n’est pas la seule nation qui ait des missionnaires en Chine, elle n’est pas le seul pays qui ait stipulé dans ses traités la liberté de conscience pour les sujets chinois ; mais elle est la seule qui ait consacré ces stipulations par un protectorat effectif. Son attitude a été plus d’une fois désapprouvée par les autres gouvernemens. Dans les dépêches échangées entre le foreign office et le ministre anglais résidant à Pékin, à la suite des massacres de Tien-tsin, il est maintes fois répété que la prétention de la France à soutenir des chrétiens chinois contre leurs autorités est une cause certaine de troubles périodiques. L’Angleterre n’a pas voulu permettre à ses missionnaires de profiter du droit obtenu par les nôtres de posséder et de louer des terrains ou des établissemens dans l’intérieur de la Chine.

Quelques missionnaires protestans ne s’en sont pas moins établis dans l’intérieur ; leurs œuvres ont pris racine dans quelques chefs-lieux de province ; mais, bien avertis qu’ils n’ont pas à leur service le bras de la Grande-Bretagne, ils sont forcés de suivre les conseils