Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cabinet de Pékin cependant n’a pas cessé de les protéger dans les limites de son action sur les provinces, et depuis la conclusion des traités de Tien-tsin les missionnaires ont pu circuler et prêcher librement. Avant l’horrible événement de juin 1870, on n’avait eu à regretter que le meurtre de deux ou trois missionnaires dans des localités désolées par l’anarchie ou par des luttes de clans. On n’a surpris derrière leurs assassins ni la main, ni le mot d’ordre de mandarins influens. Si des congrégations chrétiennes ont été molestées, si des résistances ont été opposées par les populations à des constructions de chapelles, à des établissemens d’orphelinats, si des néophytes chinois ont été emprisonnés et mis à rançon, nous ne pouvons voir dans ces faits que l’opposition inévitable d’un pays à une religion étrangère. S’étonnera-t-on que des bonzes, des lettrés, des paysans, voient d’un mauvais œil le symbole qui vient détruire leurs croyances et le prestige de leurs idoles, lorsque, dans certains de nos départemens, catholiques et protestans ne peuvent vivre en paix ? Il y a lieu d’être surpris au contraire de la tolérance relative que la propagation de la foi rencontre en Chine pour le développement de ses œuvres. Les causes de conflit, qui naissent inévitablement des préjugés et du fanatisme des idolâtres, peuvent aussi venir quelquefois des imprudences commises par les nouveaux convertis, toujours trop zélés.

Les derniers journaux venus de Chine nous ont apporté le sens de la dépêche adressée au Tsong-li-Yâmen, le 14 novembre 1871, par notre chargé d’affaires, M. le comte de Rochechouart, en réponse à la circulaire du cabinet de Pékin. Déjà le ministre plénipotentiaire américain avait répondu en se plaçant au point de vue des missions en général. La dépêche de notre représentant peut se résumer en quelques points : d’une part, les Chinois n’ont pas le droit de toucher aux conventions des traités, en limitant la liberté reconnue aux missionnaires d’ouvrir des églises et des orphelinats, en exigeant des précautions qui deviendraient préventives pour l’admission des nouveaux convertis. D’autre part, le gouvernement français n’a jamais prétendu soutenir les missionnaires dans l’usurpation de droits qui ne leur appartiennent pas ; il leur sera recommandé de prendre toutes les mesures voulues pour écarter de leurs établissemens les plaintes et les soupçons ; s’ils s’ingèrent dans l’administration civile et politique, nos agens réprimeront cet abus ; ils ne sont pas fonctionnaires, et ne peuvent par conséquent prétendre aux prérogatives réservées aux fonctionnaires chinois. Les réclamations à propos des biens jadis confisqués aux chrétiens doivent être décidées de la manière la plus équitable, et pour les missions et pour les possesseurs actuels. Quant à la protection accordée