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articles de Paris ; mais les femmes se tiennent sur les derniers échelons de cette production de luxe, elles ne sont employées qu’aux ouvrages les plus simples et les plus routiniers. Elles sont reperceuses, brunisseuses, polisseuses, guillocheuses, coloristes, émailleuses, retoucheuses ; dans ces occupations aisées, elles gagnent 2 fr., 2 fr. 50 cent., 3 fr., rarement plus. Les hommes, dans les mêmes industries, sont modeleurs, graveurs, ciseleurs, dessinateurs, décorateurs, peintres, floristes, figuristes, armoristes, miniaturistes ; à ces titres, ils obtiennent une rémunération rarement inférieure à 4 francs, et qui peut monter jusqu’à 15 francs par jour. Dira-t-on que ces dernières occupations sont réservées aux hommes par privilège de naissance. et de nature, ou bien qu’il y a des convenances sociales qui rendent légitime cette inégale répartition du travail entre les deux sexes ? Assurément non ; mais les moyens d’instruction ont toujours été jusqu’ici plus nombreux pour les hommes que pour les femmes.

Notre siècle, avec sa logique impétueuse, ne pouvait éternellement respecter des préjugés que rien ne justifie. Il était visible qu’une moitié de l’humanité était restée en développement intellectuel trop en arrière de l’autre ; qu’ainsi elle ne rendait pas, au point de vue de l’utilité générale, tous les services qu’elle pouvait rendre, et qu’elle était vouée à une vie de labeurs ingrats et de fatales privations. C’est de l’Angleterre que partit le mouvement de rédemption. Ce qu’a été, au commencement de ce siècle dans la Grande-Bretagne, l’agitation en faveur de l’instruction populaire, nous ne pouvons ici l’esquisser. Dès 1800, le docteur Birbeck avait jeté à Glasgow les premières bases des Mechanics’ institutes, sortes de facultés ouvrières, qui étaient réservées à un grand avenir. En 1825, la parole ardente de lord Brougham donnait une impulsion plus vive à cette croisade pour l’instruction des classes pauvres. Alors se fonda la Société pour la propagation des connaissances utiles, dont firent partie dès l’origine l’historien Hallam, lord John Russell, lord Auckland et l’évêque de Durham. Dans ces premiers essais, l’attention n’avait pas été spécialement attirée sur le sort des femmes, mais elles recueillaient leur part de l’enseignement destiné aux classes ouvrières en général. Le mouvement de 1825 fut repris un quart de siècle plus tard, et cette fois les femmes devinrent l’objet d’une sollicitude particulière. L’exposition universelle de 1851 avait mis au jour l’infériorité de l’Angleterre dans toutes les industries où les arts trouvent une application. Le gouvernement et le parlement résolurent de n’épargner aucun sacrifice pour former des élèves et des maîtres en vue du développement des arts industriels. Une section spéciale fut créée au sein du Comité du conseil privé chargé de l’instruction, cette section,