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une église, ou louer une maison pour y fixer leur résidence, ils devront, avant de conclure le marché, aller avec le Véritable propriétaire faire une déclaration à l’autorité locale, qui examinera si le fong-choui ne présente aucun empêchement. »


Le fong-choui (mot à mot vent et eau) joue un grand rôle dans la vie du peuple chinois ; il résume les conditions d’emplacement, d’influence du vent et de l’eau, qui donnent à une localité, à un champ, à une maison, sa bonne ou sa mauvaise fortune. L’édile qui va percer une rue, orienter un quartier, le propriétaire qui veut construire une maison, consulte le sort ou l’oracle des pagodes ; il en apprend l’orientation à donner, l’emplacement à choisir, les moyens de mettre pour toujours le lieu désigné sous une influence heureuse. Ces moyens sont certaines cérémonies, telles que l’érection d’un autel, d’une tour ou d’une simple pierre dédiée à un poussah. Dans toute la Chine, on voit des tours, des chapelles élevées sur des points culminans, bâties généralement en des temps de fléau, d’épidémie, de famine ou d’inondation, et couvrant en quelque sorte tout le pays environnant d’une ombre protectrice. Lorsqu’une mission vient construire un édifice trop élevé, que surtout elle le surmonte de tours qui détruisent les « influences heureuses, » le monument catholique est pris en aversion. Telle cathédrale qui domine les maisons basses et humbles d’une grande ville soulève dans le cœur d’une population de plusieurs centaines de mille âmes un souffle de colère qui finit par devenir dangereux en un jour de tempête. Il existe à Pékin, près du palais impérial, sur un terrain donné aux jésuites par l’empereur Kang-hi, alors qu’ils vivaient à la cour, une église, confisquée au temps des persécutions, et rendue au culte par les victoires de nos armes. Les missionnaires ont voulu y ajouter une tour. La hauteur en avait été fixée par le ministère des affaires étrangères chinois ; mais, quand elle fut construite, on s’aperçut que du faîte la vue plongeait dans les jardins impériaux. Le ministère avait commis une erreur ; il demanda qu’on voulût bien en réparer les conséquences en abaissant la tour : on s’y refusa. Le gouvernement s’est contenté d’élever un mur devant la tour ; mais il n’est pas un mandarin ou un lettré qui revienne de la capitale sans parler avec indignation de l’offense faite à son souverain. la circulaire conclut en déclarant qu’avec les procédés qu’elle signale la bonne harmonie ne peut exister entre les sujets chrétiens et non chrétiens de la Chine.

Les classes supérieures se sont, comme on le sait, éloignées des missionnaires, qu’elles regardent comme des agens étrangers ; elles ont fait le vide autour d’eux et rendu leur propagande difficile. Le