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sa faveur, et réclamèrent du pape la révision de toute cette procédure. Les évêques néerlandais et leur clergé voulurent faciliter de leur mieux le rapprochement qu’on allait tenter. Ils se réunirent en concile provincial à Utrecht (1763), et ; sang pour cela se soumettre à la bulle Unigenitus, ils condamnèrent officiellement et expressément les erreurs jansénistes telles qu’on les définissait à Rome. Clément XIV fut touché de ces preuves de bonne volonté et demanda au chapitre de lui envoyer un fondé de pouvoirs. Le chapitre d’Utrecht s’empressa de députer à Rome le savant Dupac de Bellegarde ; mais il était à peine arrivé dans la ville pontificale, que Clément XIV mourut d’une manière aussi mystérieuse que subite. Son successeur Pie VI ne lui ressemblait en rien ; lorsqu’on lui parla de renouer la négociation, il coupa court à tout en prononçant sur l’épiscopat et l’église d’Utrecht la grande excommunication coram populo. Ainsi s’évanouit l’espoir des anciens-catholiques néerlandais.

Leur position n’était favorable d’aucun côté. En Hollande même, les états avaient continué de les traiter avec des égards marqués ; ils ne pouvaient pourtant forcer la multitude catholique de rester dans leurs cadres. Le plan des jésuites, même en dépit de leur suppression officielle, avait réussi. L’ancienne église nationale des Pays-Bas n’était plus en fait qu’une mission desservie par des moines. Ceux-ci, complètement soumis à leurs supérieurs ou généraux résidant à Rome, étaient parvenus à détacher la masse catholique de ses évêques légitimes. Ils avaient tiré grand parti des excommunications pontificales, du jansénisme dont ils disaient l’épiscopat rebelle infecté, de l’opposition du clergé épiscopal aux formes de la dévotion italienne, enfin de sa sévérité en matière d’absolution. Ce clergé en effet avait conservé l’ancienne discipline, qui ne badinait pas avec des infractions que l’esprit du siècle jugeait désormais avec plus d’indulgence. Par exemple, il refusait l’absolution à quiconque retirait un intérêt élevé de l’argent qu’il avait prêté. Une pareille clause était bien dure à observer dans un pays qui s’enrichissait en prêtant à gros intérêts au monde entier. Toutes ces circonstances firent que, les uns par dévotion superstitieuse, les autres pour mettre leur conscience au large, beaucoup enfin parce qu’ils ne pouvaient supporter longtemps l’idée d’être brouillés avec Rome, la grande majorité des catholiques abandonnèrent leurs évêques pour se ranger sous la direction des moines. Quand se déchaînèrent les tempêtes politiques de la révolution, le petit troupeau des anciens-catholiques de Hollande ne se montait plus qu’à 6 ou 7,000 âmes ; c’est à ce chiffre qu’il a pu se maintenir jusqu’à nos jours.