Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devient « l’honorable ami » de ce qu’il y a de plus illustre. La puissance nationale se fait visible en lui : il entre dans un courant de grandeur, dans un nimbe de lumière ; il est souverain. Le peuple fut mécontent quand son « grand communeux » Pitt en 1776 devint lord Chatham. La souveraineté des communes est la plus vivante, la plus agissante, la plus entière ; les grands orateurs ne s’exilent dans la chambre haute que quand leur ardeur s’éteint, quand leur propre flamme les a consumés. Ils regardent alors de loin, souvent avec envie, ces combats où ils ne peuvent plus se mêler.


III

« Le parlement, a dit Blackstone, a la puissance absolue, et il est omnipotent. » On a dit plus familièrement de la chambre des communes a qu’elle peut tout faire, sauf d’un homme une femme et d’une femme un homme. » Il est certain que l’autorité parlementaire n’a point de limites bien tracées. Les fonctions du souverain n’ont jamais été définies, et, le parlement se trouvant être l’héritier de l’antique souveraineté royale, tous les pouvoirs y sont indistinctement mélanges. Le parlement est un souverain en trois personnes, le roi, les lords, les communes ; de ces trois personnes, les deux premières sont aujourd’hui les moins actives. Il faut à toute loi la sanction royale et la sanction des lords ; mais la royauté ne refuse plus la sienne quand les deux chambres sont d’accord, et les lords cèdent toujours à temps à la volonté, de la nation, exprimée dans les communes.

La couronne n’a jamais été dépouillée par des lois de ses antiques prérogatives ; théoriquement, son autorité est presque sans limites. Il n’y a point de constitution écrite qui l’oblige à prendre ses ministres dans le parlement, à renvoyer un ministère déplaisant aux chambres. Les ministres sont les ministres de la couronne ; le cabinet est un conseil royal. Les juges n’exercent leur pouvoir qu’en vertu d’une patente royale qui peut toujours être révoquée. Le roi nomme le commandant en chef de l’armée ; l’armée même est son armée. On ne peut intenter une action contre le souverain. Il gouverne l’église établie ; la convocation n’est que son conseil. La suprématie ecclésiastique, au temps d’Henry VIII, d’Elisabeth, de Jacques Ier, de Charles Ier, donnait au roi une autorité absolue sur l’église ; elle s’exerçait par une haute cour qui punissait tous les délits ecclésiastiques, et qui sous Laud devint un objet de terreur pour la nation. Qui reconnaîtrait aujourd’hui dans ce qui reste des