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qui déjà les frappait de nullité. Sir Rutherford Alcock déclarait alors qu’il n’y avait à recevoir de la Chine que ce qu’elle voulait concéder de bon gré. Il avait épuisé tous les efforts possibles pour arriver à la conclusion de sa convention ; la conséquence est que la reprise des mêmes questions n’en sera que plus délicate.

Il n’y aurait, à notre avis, pour la France qu’une politique commerciale à suivre en Chine, si elle tient à en avoir une : ce serait d’employer son influence à déplacer le marché des échanges ; ce serait de l’enlever aux quelques ports où il est encore concentré pour l’attirer graduellement vers l’Europe. Suivant nous, la seule chance pour notre pays de prendre une part directe dans ces échanges consisterait à suggérer aux Chinois l’idée de venir se créer des agences en Europe, agences qui échangeraient les produits de la Chine contre nos produits manufacturés. Les articles de notre industrie leur sont peu connus ; ils n’ont sous les yeux que ceux qui sont fabriqués exprès pour eux en Angleterre et en Amérique. Ainsi, pour les étoffes de laine et de soie, on les leur apporte suivant les échantillons qu’ils préfèrent et surtout dans des conditions de bon marché que notre commerce, sous le poids des impôts qui l’accablent, pourra moins que jamais supporter. Nos étoffes, il est vrai, sont plus soignées, plus durables, et compensent par leurs qualités l’augmentation de prix qu’elles réclament ; cependant il faudrait, pour faire comprendre ces avantages aux Chinois sur le territoire de leur empire, y étaler des stocks de marchandises qui seraient exposées dès le début à des pertes considérables et, sans certitude de gain final. Ce sont des risques qu’aucune compagnie n’est prête à courir ; . mais, si les négocians chinois venaient sur les places de l’Europe, nous n’aurions probablement qu’à gagner dans l’examen comparatif qu’ils pourraient faire des produits de chaque nation. Les diverses ambassades asiatiques qui nous ont visités ont reconnu les qualités de la fabrication française, et ont fait des commandes importantes. Nous avons réalisé un premier pas en demandant au cabinet de Pékin de fixer une légation à Paris ; si nous pouvions obtenir que, renonçant à des lois qui sont du reste tombées en désuétude, il voulût, comme le Japon, encourager ses nationaux à visiter les pays étrangers, nous aurions double raison de renoncer à la révision de notre traité. Ministre, consuls, agens français, s’emploieraient alors au besoin pour faciliter aux Chinois leurs voyages vers l’Europe ; nos paquebots à vapeur, pourvus d’installations spéciales, les prendraient à prix réduits, comme les navires américains du Pacifique, qui à chaque voyage emportent 300 ou 400 Chinois vers la Californie. Les gens de l’empire du Milieu sont maintenant habitués à l’emploi des steamers. Le mandarin allant de Canton à Pékin