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Romains, depuis César jusqu’à Marc-Aurèle, avaient frappé la Germanie, sans parler de ceux qui lui venaient de l’Orient et que nous connaissons moins, avaient dû affaiblir la race. Si l’on compare les noms des peuples germains tels que Tacite les énumère et les noms qui apparaissent deux siècles plus tard, on reconnaît que dans cet intervalle beaucoup de peuples avaient disparu, et qu’il s’était opéré dans le pays une désorganisation complète. Les Germains qui se montrent dans l’histoire au Ve siècle de notre ère n’étaient que des débris d’une race épuisée. Le sol de l’Allemagne ne se repeupla plus tard que par l’adjonction des Slaves et des Hongrois.

Ce qu’il y avait de plus puissant chez ces Germains, c’était l’empire gothique, qui s’était fondé au nord du Danube. On peut voir pourtant comment cet empire s’écroula aux premiers coups des Huns, et les Huns n’étaient pas eux-mêmes un peuple bien puissant, puisqu’ils n’étaient que des fuyards échappés de l’Asie, d’où les chassait une autre population. Tout cela paraît grand, vu de loin ; vu de près, ce n’est que faiblesse, que désorganisation, qu’impuissance.

Entre ces peuples germains, on ne voit aucune entente, aucun mouvement concerté, aucun effort commun. Tout. sentiment national est absolument absent. Il n’y a indice chez eux ni d’un amour pour la patrie, ni même d’une haine pour l’étranger. Se représenter la Germanie se précipitant sur l’empire romain est une illusion tout à fait contraire à la réalité des faits. De ces Germains dont parle l’histoire, la moitié au moins était à la solde de l’empire. Ils ne manifestaient aucune antipathie pour le nom romain ou pour le nom gaulois. Ils se combattaient les uns les autres plus volontiers qu’ils ne combattaient l’empire. Ce sont les Francs de Mellobaude qui ont la plus grande part à la bataille d’Argentaria, où sont écrasés les Alamans (377). Les Germains de Radagaise sont exterminés par une armée dont le chef est un Vandale, et dont la moitié est composée de Goths et de Huns. L’invasion des Huns et des Ostrogoths est arrêtée par une armée de Wisigoths, de Francs, de Burgondes, de Saxons et de Sarmates.

Ils n’avaient pas non plus cette fierté sauvage dont on leur fait honneur. Lorsque les Cimbres et les Teutons étaient venus se heurter, sans le savoir, contre les forces romaines, ils s’étaient excusés auprès du consul Carbon, et ils avaient demandé qu’on les reçût comme soldats et serviteurs de Rome. Ainsi firent dans la suite presque tous les Germains. Les Vandales, au IVe siècle, obtinrent des terres en Pannonie et se firent sujets de l’empire, imperatorum decretis, ut incolœ, famularunt. Les Wisigoths, tremblant