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s’échappent des plantes, un cerf, un crocodile, des oiseaux, l’araignée au bout de son fil et un homme. Harvey proclame que les vivipares aussi bien que les autres animaux proviennent d’un œuf, mais il se trompe sur la nature de celui-ci. C’est seulement en 1672 que le Hollandais Régnier de Graaf, sans mettre tout à fait le doigt sur la vérité, montre du moins la voie qui doit y conduire. À ce grand mouvement du XVIIe siècle, la France n’avait pris aucune part. Buffon lui-même, cent ans après, imagine un système bizarre ; il n’accepte pas les découvertes acquises, non plus que la nécessité d’un œuf : il se fait sur les conditions des sexes et l’origine de l’embryon des idées erronées, dont la trace a reparu jusqu’en notre temps comme pour mieux nous rappeler que Buffon n’a pas été dans ces questions à la hauteur de son génie. Le 18 mars 1860, M. Flourens, alors secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, annonça qu’un héritier du grand naturaliste demandait l’ouverture d’un paquet cacheté autrefois déposé par celui-ci sur le bureau de l’Académie. La curiosité eût été excitée à moins : ce fut une déception. Buffon informe la compagnie qu’il a commencé son Traité de la génération ; au chapitre VI, dit-il, « je fais voir évidemment l’erreur de ceux qui donnent des œufs aux femelles vivipares. » L’avenir allait confirmer d’une manière éclatante les vues opposées de Graaf.

C’est de notre temps seulement que la France, reprenant l’avantage, devait conquérir une place digne d’elle dans l’histoire des découvertes qui nous ont éclairés sur l’apparition et la première évolution des êtres. Et, loin que l’embryogénie soit « une pure science allemande, » nous allons voir que le plus grand nombre des découvertes capitales qui l’ont élevée à la hauteur où elle est sont dues à nos compatriotes ou à des savans que leurs tendances rapprochent de nous, qui publient leurs œuvres en français et dans nos recueils scientifiques. MM. Prévost, de Genève, et Dumas, l’émient chimiste, dont les premières études furent tournées vers les sciences de la vie, adressent leurs travaux aux Annales des sciences naturelles de Paris ; M. Cari Vogt écrit en français une histoire du développement des saumons (1842). Quant à M. de Baër, le plus célèbre parmi les embryogénistes étrangers, il est Russe. En France, Dutrochet, le même qui a découvert l’endosmose, avait fait au commencement du siècle d’importantes recherches sur le fœtus : il précède MM. F.-A. Pouchet et Coste. Nous ne voyons guère en Allemagne à opposer à tous ces noms que celui de M. Bischoff, aujourd’hui professeur à Munich.

L’embryogénie moderne date en réalité de l’époque dont nous parlons, où l’Allemagne fut loin d’avoir la plus belle part. La double tendance des travaux accomplis pendant cette période fut à