Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

machine au profit d’un personnel nouveau. Law, à portée de saisir dans l’intimité du prince l’occasion propice, hasardait les ouvertures délicates et. insinuait ses idées ; , il sondait d’Argenson, serviteur-né des coups d’état, mais très fin personnage, qui louvoyait encore et refusait de s’engager trop tôt.

Dubois, à Londres, rédigeait des mémoires que Law faisait passer sous les yeux du régent. On y démontrait au prince « la nécessité de constituer son gouvernement sur un plan simple et commode, où l’autorité fût concentrée de telle sorte qu’à la majorité du roi le régent pût devenir le premier ministre de sa majesté : dans cette vue, il fallait écarter des principales places les gens de haute volée qui pourraient inspirer au roi de secouer la dépendance de son oncle ; on devait n’employer que des personnes sûres, ayant tout leur intérêt dans un dévoûment absolu à son altesse royale. » En janvier 1718, la disgrâce de Noailles et de d’Aguesseau donna une première satisfaction à l’auteur de ce mémoire ; il en félicita le régent au nom du roi d’Angleterre. « Vous avez fait, monseigneur, les deux seules choses qui pouvaient être difficiles à faire pour corriger votre gouvernement. Soutenez-les avec hauteur ; il est maintenant facile, après un tel préliminaire, de former un gouvernement à souhait et pour le présent et pour l’avenir. Le roi en a témoigné de la joie et de la fierté, comme s’il avait eu quelque grand avantage. Il m’a ordonné de vous féliciter de sa part du bon chemin que vous preniez. » Le nouveau garde des sceaux, d’Argenson, qui devait être le bras de l’entreprise dont l’abbé était l’âme, reçut de lui ce compliment. « J’avais besoin, monsieur, de cette nouvelle, qui a été reçue avec les applaudissemens qu’on donnait à Hercule après la défaite des monstres. Je dormirai dorénavant en repos et je travaillerai sans distraction. Voilà le plus mauvais grain séparé. Il faudra encore quelque coup de crible, mais ces héros méritaient la distinction de n’être pas confondus dans une réforme générale. » Pour le dernier « coup de crible, » on attendait la conclusion du traité de Londres ; c’était le signal convenu de la grande bataille qui restait à livrer. « Ces établissemens fixes et durables, disait le mémoire, se feront après la signature du traité qui est sur le tapis, et qui affranchira son altesse royale des craintes les plus pressantes. » En stratégiste consommé, Dubois menait de front et soutenait par ce concert les deux opérations.

Pour exciter ses amis et surveiller ses ennemis, il avait fait partir dès le mois de mars un attaché d’ambassade, Chavigny, dont la mission apparente était de porter en France le diamant le Régent, avec la quittance des sommes reçues par M. Pitt. Saint-Simon se vante d’avoir décidé le duc d’Orléans à cette acquisition onéreuse,