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essaiera de nouveau de surprendre un vote de l’assemblée à la première heure favorable, et il ne cessera pas un instant de travailler au rétablissement de la théocratie romaine.

Nous ne devons pas perdre de vue cette menace ; elle peut devenir d’un jour à l’autre notre plus grave péril. Ne nous lassons pas d’opposer à ces revendications la ferme notion du droit. Prétendre que la liberté de conscience des catholiques du monde entier réclame que cette liberté soit suspendue pour la population de Rome, c’est prétendre que la religion a besoin de l’injustice. En outre tous ces essais d’intervention diplomatique attentent à la liberté de conscience des Français aussi bien qu’à celle des Romains ; ils signifient que la politique de notre pays cesse d’être neutre au point de vue religieux, et prend une couleur dogmatique. C’est le bouleversement même du droit français. Il ne sert de rien de répéter sur tous les tons que la France est fille aînée de l’église, elle ne l’est plus politiquement ; elle est bien plutôt la mère du droit moderne. Tout ce qui la fait dévier de cette voie porte atteinte à sa constitution intime, qui ne dépend pas du hasard de nos agitations.


II

Le grand effort du parti ultramontain s’est porté, pour la question intérieure, sur l’instruction publique. Il n’est pas d’intérêt qui le passionne davantage ; il sait que la société appartient à celui qui est maître de l’éducation. L’ultramontanisme a toujours pensé et souvent hautement déclaré que l’église est de droit divin chargée d’élever les peuples. Il réclame les enfans comme sa propriété. Si l’on veut se rendre compte de ses prétentions, on n’a qu’à lire les clauses du concordat, maintenant aboli, conclu entre le saint-siège et l’Autriche. L’école était absolument asservie à l’église ; l’autorité épiscopale choisissait les livres d’enseignement et tenait l’instituteur sous le joug. A Rome, on a vu ce que le parti est capable de faire dans ce genre, là où il est souverain. Dans les pays où le droit des consciences ne saurait être supprimé, l’ultramontanisme n’abandonne pas ses prétentions ; il s’accommode aux circonstances et il parle un langage nouveau. La liberté de l’enseignement n’est pour lui qu’une machine de guerre pour détruire l’enseignement laïque ; au fond, il ne veut que sa liberté à lui, la liberté du bien, ce qu’il appelle sans détour le droit de la vérité. On l’a bien vu en 1850, lorsqu’après des luttes acharnées contre l’université, qu’il n’avait cessé de dénoncer et de battre en brèche, il a profité de l’espèce de lassitude et de terreur qu’éprouvait l’esprit public, au lendemain d’une guerre sociale, pour entrer dans la place assiégée et se faire