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En effet les manifestations religieuses ne peuvent faire l’objet d’un vote dans une assemblée politique. « Quand on veut traiter des questions qui intéressent les chrétiens, il faut être chrétien soi-même, » disait à ses contradicteurs l’honorable rapporteur du projet de loi. Si une pareille condition était faite aux représentans du pays, le serment du test serait implicitement rétabli.

La question romaine a été et demeure encore le grand moyen d’agitation choisi par le parti catholique pour arriver à ses fins. Il faut se garder de croire que les derniers incidens parlementaires l’aient fait disparaître de nos préoccupations politiques ; elle sera sans cesse ramenée sous une forme ou sous une autre. Rappelons brièvement les diverses phases qu’elle a parcourues depuis un an.

Le clergé ultramontain n’a pas attendu que nous fussions. sortis de la guerre civile pour commencer sa campagne en faveur du pouvoir temporel de la papauté. Nous ne reviendrons pas sur les circonstances qui ont amené à Rome la royauté italienne. Tout en faisant la part des difficultés politiques qui, à la suite de l’ébranlement causé par la guerre de 1870, l’ont poussée à cette grave entreprise, il est permis de croire qu’elle s’est montrée trop empressée à profiter de nos malheurs. Le pouvoir temporel n’en était pas moins en lui-même une violation permanente du droit qu’un peuple a de s’appartenir, sans qu’il assurât à aucun degré l’indépendance du saint-père. Nous sommes pleins de respect pour Pie IX, la France ne peut oublier la généreuse sympathie qu’il lui a montrée aux jours de ses plus cruels revers. Ce respect ne va pourtant pas jusqu’à nous faire admettre la légende de sa captivité ; la loi des garanties votée par le parlement italien lui assure la position et l’indépendance d’un chef d’état, en même temps qu’elle affranchit de toute entrave et de tout placet royal sa souveraineté spirituelle. Nous verrions volontiers cette indépendance mieux assurée encore par le concert des puissances européennes. Seulement le saint-père s’est refusé à toute transaction ; la chute du pouvoir temporel est à ses yeux le renversement de toutes les lois morales. « La concession même des garanties, disait en son nom le cardinal Antonelli, n’est-elle pas une preuve qu’on veut nous imposer des. lois, à nous qui avons été établi de Dieu interprète du droit naturel et divin ? » De pareilles prétentions rendent impossible toute négociation. On ne traite pas avec un dieu ; toutes les puissances catholiques de l’Europe y ont renoncé.

Le parti ultramontain ne s’est pas laissé décourager par cette inaction si coupable à ses yeux. Il est certain qu’il a fondé d’abord quelques espérances sur les profonds calculs de la politique prussienne. Un archevêque bien connu comme l’un des chefs du parti,