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Le diable l’y laissa en repos sept années, au bout desquelles Louis de Hongrie mourut en désignant pour son successeur son gendre Sigismond, roi de Bohême, fils de l’empereur Charles IV, et peu après empereur lui-même ; c’est le Sigismond du concile de Constance et de l’opéra de la Juive. Ce nouvel étranger, qui ne reconnaissait rien au-dessus de ses caprices ou de ses erreurs, pas même la grammaire, ainsi qu’il le déclara un jour qu’on lui faisait remarquer une faute de syntaxe, se fit bientôt déposer. Le parti de Wladislas releva alors la tête plus haut que jamais, car il était le légitime héritier du trône, et on était las des étrangers. Le prince eut de nouveau recours au pape pour se faire relever de ses vœux. Or à cette époque le schisme avait éclaté, et la chrétienté contemplait le scandale de deux pontifes, l’un à Rome et l’autre à Avignon. Toujours bien inspiré, Wladislas eut la bonne idée de s’adresser à l’antipape d’Avignon, au lieu de négocier auprès d’Urbain VI, qui avait été reconnu pour le pape véritable par la Pologne, et qui, dans les circonstances où se trouvait ce pays après la déposition de Sigismond, aurait vraisemblablement consenti à un accommodement. Le pape d’Avignon, Clément VII, se hâta de relever Wladislas de ses vœux moins par intérêt pour sa cause que pour le plaisir de se venger de la nation qui avait reconnu la légitimité d’Urbain. Ce bref de l’antipape fut loin de porter bonheur au prétendant. Au moment où il allait prendre possession du royaume qui lui appartenait de par tous les droits des nations monarchiques, un parti se forma parmi les seigneurs pour appeler au trône Hedwige, fille de Louis de Hongrie, en ayant soin d’en exclure formellement son fiancé, fils du duc d’Autriche. C’était la première fois qu’une femme gouvernait seule la Pologne depuis les jours de la fabuleuse Vanda, et ce fait prouve à quel point le caractère de Wladislas inspirait la défiance. Les nobles polonais ne tardèrent pas cependant à se repentir de cette dérogation aux coutumes traditionnelles ; mais Hedwige, pour détourner un péril qu’elle voyait croître chaque jour, consentit à recevoir un époux des mains de sa noblesse, et cet époux choisi fut Jagellon, grand-duc de Lithuanie, qui consentit en échange de la couronne à abjurer son paganisme, et à le faire abjurer à son peuple.

Le pauvre Wladislas fut complètement étourdi par ce superbe coup de politique qui terminait l’état de crise prolongé dans lequel vivait la Pologne depuis la mort de Casimir en inaugurant une nouvelle dynastie, et en même temps conquérait tout un peuple jusqu’alors obstinément idolâtre au christianisme ; il sortit piteusement de Pologne, emportant dans sa poche ce bref de l’antipape qu’il aurait peut-être aussi bien fait de ne pas solliciter. Après