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députation de seigneurs polonais qui, mécontens de voir un étranger sur le trône de Pologne, venaient demander au dernier rejeton de la famille qui les avait commandés pendant plus de cinq siècles de reprendre possession de son héritage. Wladislas partit sur-le-champ pour Avignon, où le saint-siège était encore, afin de se faire relever de ses vœux par le pape. Or le pape était alors le second Roger de Maumont, Grégoire XI, pontife scrupuleux, qui avait bien hérité de la tiare, mais non pas de la largeur d’esprit et de la complaisance aux ambitions mondaines du premier Maumont, son oncle, le magnifique Clément VI. Il refusa tout net d’ajouter une nouvelle cause de guerre civile à celles qui désolaient déjà la chrétienté. Alors Wladislas, qui par toute sa conduite montra qu’il avait plus d’orgueil de tempérament que de vraie fierté, s’avisa de faire solliciter en sa faveur auprès du pape son propre rival, Louis, roi de Pologne, qui venait sur sa demande de lui rendre généreusement ses duchés. Grégoire XI fut encore inflexible, et les événemens se chargèrent bientôt de justifier la sagesse de ce refus plusieurs fois répété.

Ne pouvant obtenir le consentement du pape, Wladislas prit la résolution, facile à un tel caractère, de s’en passer, et s’en alla incontinent porter le trouble dans les états de ce roi qu’il venait de faire intercéder pour lui. La guerre continua un certain temps avec des chances égales pour les deux partis, mais enfin Wladislas mit le siège devant Zlotor, une de ses anciennes villes, et, attaquant le gouverneur par ce vice pour lequel les Polonais ont été si fameux que notre peuple en a tiré une expression proverbiale, l’ivrognerie, il se rendit maître de la place et s’y fortifia solidement. Alors il vit affluer autour de lui tous ces mécontens que la fortune engendre en tout temps et en toute société avec plus d’abondance que la nature n’engendre les coquelicots dans les blés. Une fois muni d’un point d’appui solide, Wladislas montra une vaillance à toute épreuve et une véritable habileté militaire. Quelquefois battu, mais le plus souvent victorieux, il donna de telles proportions à la lutte qu’il vint un moment où il ne fallut rien moins que toutes les forces réunies de Louis pour le forcer à s’enfermer dans Zlotor. Bloqué étroitement dans cette ville, il s’y défendit encore avec un extrême courage et un esprit de ruse des plus malicieux qui témoigne des ressources de sa nature inégale et fantasque. Enfin il fallut se rendre, et, une fois la rébellion vaincue, il se trouva comme devant moine selon la règle de saint Benoît. Il refusa l’abbaye que lui offrait le roi en Pologne, accepta les florins qu’il lui compta comme compensation de ses anciens duchés, et reprit le chemin de Dijon et de Saint-Bénigne.