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de Strasbourg. Ces deux choses si dissemblables rendent le même idéal ; c’est qu’au fond la babiole de Dijon et la flèche d’Erwin de Steinbach sont nées du même profond sentiment de piété et d’amour mystique. Et pourquoi s’étonner qu’une miniature produise la même impression qu’une œuvre colossale, puisque nous connaissons des œuvres colossales qui produisent une impression de miniatures ? Le même Erwin de Steinbach, qui lança vers le ciel la flèche de Strasbourg, construisit la ravissante église de Fribourg en Brisgau, et je demande à tous ceux qui ont vu ce bijou de pierre si la comparaison qu’il a éveillée dans leur esprit n’est pas celle d’un de ces jouets sculptés par les paysans de cette Forêt-Noire qu’il avoisine. L’infiniment petit peut donc atteindre aux sublimités de l’infiniment grand, puisque l’infiniment grand peut reproduire les délicatesses de l’infiniment petit.


III. — CURIOSITES DIJONNAISES. — LA PIERRE TOMBALE DE WLADISLAS LE BLANC. — L’HORLOGE DE COURTRAY.

Les deux principales églises de Dijon sont Notre-Dame et Saint-Bénigne. Notre-Dame est des deux la plus originale ; malheureusement on est pour l’heure en train de la restaurer complètement, et il est assez difficile d’en prendre une idée tout à fait exacte au milieu des échafaudages qui masquent les proportions de l’intérieur, des débris qui jonchent le sol pt des monceaux de plâtre qui s’étalent-à la base des colonnes ; nous aimons mieux n’en rien dire que de présenter au lecteur des impressions mutilées. Saint-Bénigne est l’ancienne église abbatiale des bénédictins ; à l’extérieur qui a souffert, elle n’offre rien de remarquable ; à l’intérieur, c’est un bel édifice gothique de proportions imposantes et d’un aspect majestueux. Les tombeaux de Saint-Bénigne, qui appartiennent aux familles parlementaires, n’ont rien de particulièrement intéressant, et les ornemens, assez rares, sont plutôt riches que curieux. Une chose cependant est à noter dans la décoration générale, qui est toute moderne, c’est que ceux qui y ont présidé semblent avoir eu le souvenir de Rome très présent à l’esprit, car lorsqu’on traverse la grande nef du centre, dont chaque pilier est orné d’une statue, on éprouve quelque chose de la sensation que donne l’intérieur de Saint-Jean de Latran, et lorsque, entré dans le chœur, on contemple les quatre statues de dimension colossale qui en occupent les quatre coins, on pense involontairement à la décoration qui entoure la confession de Saint-Pierre de Rome au-dessous de la coupole de Michel-Ange. Le caractère de ces sculptures, œuvres de deux très habiles artistes dijonnais, Attiret et