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passé sont ceux des familles parlementaires. A Saint-Bénigne, c’est un Berbisey, un Frémiot, un Legouz et sa femme ; à Saint-Michel, c’est le président Bouhier, et au fond de l’église la petite chapelle consacrée au souvenir de divers magistrats. Quant aux époques antérieures, il en reste beaucoup moins de traces qu’on n’aurait lieu de s’y attendre. Les très anciennes églises de Dijon ont disparu, ou, comme Saint-Étienne et Saint-Philibert, ont été transformées en halles et en magasins à fourrages ; nous avons dit déjà comment Saint-Jean avait été arraché à cette déchéance. De la première maison ducale, il ne reste aucun souvenir, ce qui n’a d’ailleurs rien de bien étonnant, puisque ces princes résidaient un peu partout, voire en terre-sainte, et que le lieu de leur sépulture était Cîteaux, entre Beaune et Dijon. Les souvenirs de la seconde maison ducale ne sont pas non plus fort nombreux ; la chartreuse de Philippe le Hardi a été transformée en hospice d’aliénés ; le palais ducal a disparu pour faire place à l’hôtel de ville, et ce qui en reste se trouve comme emprisonné dans ce vaste édifice. Au premier abord, cette rareté de souvenirs cause une assez pénible surprise, mais un peu de réflexion vient bien vite la dissiper. La domination des ducs de la maison de Valois fut aussi courte que brillante : elle n’embrasse en définitive qu’une période d’un peu plus de cent années, et, sur les quatre souverains dont se composa cette dynastie ducale, deux-seulement, Philippe le Hardi et Jean sans Peur, furent Bourguignons de fait et de cœur, et eurent leur résidence fixe à Dijon. Quant aux deux autres, les exigences de la politique, la tyrannie de leurs ambitions et l’agrandissement de leurs domaines en firent des princes beaucoup plus flamands que français. Philippe le Bon avait certes hérité de la magnificence de son père, surtout de celle de son grand-père Philippe le Hardi ; mais cette magnificence, il la transporta dans les Flandres, où il fit éclore cette luxueuse civilisation qui échut à l’Espagne par la maison d’Autriche. O ironie de la destinée ! ce prince si libéral qui appartenait à une famille où de père en fils on se faisait enterrer avec tant de pompe et d’art, dont le père et le grand-père reposèrent sous les monumens superbes qu’on admire à Dijon, dont le fils et la petite-fille dorment dans les beaux mausolées de Notre-Dame de Bruges, le prince qui fut idolâtré dans les Pays-Bas et aimé dans le reste de ses états, n’a de tombeau nulle part, ni en Flandre, ni en Bourgogne. L’ingrat Téméraire, absorbé par les soucis de l’ambition et tout heureux de mettre la main sur la souveraineté, en oublia de faire enterrer ce père que les Flamands nomment encore aujourd’hui le bon duc avec un attendrissement dans la voix. Enfin cet ingrat Téméraire, vrai cosmopolite, comme on le sait, et qui toute sa vie se promena d’un lieu à un autre pour y chercher des champs de