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force, à peu près abandonnée à elle-même au moment de l’armistice. De nouveaux officiers venus on ne sait d’où, élus on ne sait comment, se substituaient à ceux qui étaient partis. Des bataillons sur lesquels on croyait, jusque-là pouvoir compter n’étaient plus bons à rien.

D’heure en heure, le mal s’accentuait. « Voyez-vous, disait alors l’infortuné Clément Thomas à M. Roger (du Nord), voyez-vous, tout est perdu, personne n’obéit plus. Je commande 3,000 hommes, il m’en arrive 300. La garde nationale est maintenant complètement désorganisée, il n’y reste plus que des élémens de désordre fort dangereux. » Oui certes, elle était désorganisée, elle avait échappé par degrés, d’une façon presque insaisissable d’abord, à l’autorité régulière, pour passer sous la direction de ce conseil de délégués qui commandait beaucoup plus que l’état-major, qui, en s’avouant ostensiblement, allait bientôt former ce qui s’est appelé la fédération de la garde nationale. Enfin, dans cette confusion du lendemain du siège, si les meneurs de la garde nationale eussent été seuls, ils n’auraient peut-être pas réussi encore ou ils n’auraient réussi qu’en partie dans leurs desseins ; mais ils avaient pour complice l’Internationale, qui renouait fiévreusement tous les fils de son organisation, qui croyait que le moment d’agir était venu pour elle. « L’Internationale a mal compris son rôle, disait-on dans les réunions secrètes de l’association. Les travailleurs devaient s’emparer du pouvoir le 4 septembre ; il faut le faire aujourd’hui. »

En réalité, le nœud de la situation est là. Les meneurs de la garde nationale offraient l’organisation militaire dont ils s’étaient emparés ; l’Internationale portait le contingent de ses affiliations ouvrières, de ses idées socialistes et de ses ambitions. L’alliance des deux élémens faisait le comité central, et le hasard des circonstances fournissait les canons qui devenaient le prétexte définitif de l’explosion. Je n’oserais assurer que cette œuvre de décomposition ait été bien puissamment combattue ou contrariée. les ministres du 4 septembre qui étaient restés dans le nouveau gouvernement constitué à Bordeaux, et que le péril de la situation ramenait à Paris, continuaient un peu trop, en vérité, à suivre la politique qu’ils avaient suivie jusque-là. Ils laissaient faire, ils n’attachaient pas une importance extrême à tout ce qui se passait. Il fallut que, dans une réunion qui se tenait au ministère de l’intérieur, un des maires de Paris, M. Vautrain, s’écriât un jour : « Sommes-nous ici dans une réunion d’enfans ou dans une réunion d’hommes ? Nous avons en face de nous le danger le plus épouvantable. L’artillerie est aux mains de fous furieux, et le comité central se développe toujours. Nous n’avons qu’une chose à faire : prendre les canons et arrêter le comité