Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/979

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

choisis avec sens, qui jettent une lumière nouvelle sur certaines questions demeurées obscures jusqu’ici ; mais son érudition ne lui a pas fait oublier le côté littéraire de l’œuvre, et, au milieu des extraits de chartes et de cartulaires, on retrouve un certain accent de poésie qui sied à un ami des forêts.

Après avoir établi d’une manière approximative l’étendue des anciennes forêts de l’Orléanais avant le XIIe siècle et démontré qu’à l’époque gallo-romaine des exploitations rurales considérables existaient déjà dans ces parages, l’auteur passe en revue les grands propriétaires du pays. Parmi ceux-ci, les établissemens religieux tenaient le premier rang : c’étaient l’abbaye de Fleury-Saint-Benoît, le chapitre de Sainte-Croix, les abbayes de Sainte-Euverte, de Micy, de la Cour-Dieu, de Ferrières, de Cercanceau, puis quelques grands seigneurs et quelques bourgeois. Une fois qu’il nous les a fait connaître, il nous transporte au milieu d’eux, et nous assistons à leurs travaux de défrichement, d’irrigation, de dessèchement, à leurs contestations, en un mot à leur vie intime. Toutes les coutumes intéressantes sont expliquées avec soin : la gruerie, le dangier, droit à propos duquel il rectifie une erreur commune, les droits d’usage, de pâturage, de chasse, les dispositions particulières aux garennes et aux parcs, rien ne manque dans cet exposé clair et lucide. En s’occupant du régime forestier, M. de Maulde est obligé de traiter une foule de questions agricoles qui en dépendent : c’est ainsi qu’il propose une théorie nouvelle fondée sur des preuves sans réplique au sujet de la condition des hôtes, dont on avait fait jusqu’ici une classe ialermédiaire flottant entre la liberté et le servage. Les hôtes peuvent être regardés comme les pères de l’agriculture moderne ; ce sont eux qui les premiers ont mis en culture une grande partie de la France. M. de Maulde fait de l’hôte une sorte de fermier ; selon lui, ce mot désigne le métier et non pas l’état civil comme on l’avait supposé. Mais ces hardis pionniers de l’agriculture virent bien souvent leurs travaux anéantis ; la forêt d’Orléans, aussi bien au temps de Jeanne d’Arc que de nos jours, a été considérée par les hommes de guerre comme un point stratégique important : aussi les Anglais et les grandes compagnies la ravagèrent fréquemment. Le détail de toutes ces incursions n’est pas oublié ; mais à côté de ces scènes de désordre en voici d’autres plus attrayantes pour l’homme paisible : ici le charron, le sculpteur sur bois, le potier, le tuilier nous apparaissent au milieu de leurs industries ; là le vigneron et le cultivateur. Le voisinage de la forêt était d’un grand secours pour l’élevage des bestiaux, des haras même y furent établis. — Tous ceux qui s’intéressent à l’histoire des forêts ou de l’agriculture devront lire ce livre ; ils y trouveront une abondante moisson. Qu’il nous soit permis d’exprimer un regret ; l’auteur aurait dû joindre une carte à son ouvrage.


H. DE v.