ssionnément scruté et torturé, où l’on a donné rendez-vous à toutes les insinuations, à tous les chuchotemens comme à toutes les colères, c’est que le général Trochu a pu se tromper, qu’il a pu être plus ou moins habile, plus ou moins heureux, mais qu’il a certainement fait son devoir de soldat dans l’effroyable crise où l’empire venait de plonger la France. Il n’a pas réussi, nous en convenons, il a même fait son devoir sans illusion, si l’on veut, il a subi les fatalités irrésistibles d’une situation sans exemple. Est-ce donc à ceux qui ont préparé Sedan et Metz à se montrer si sévères pour celui qui a su tenir à Paris pendant cinq mois au milieu de toutes les incandescences, de toutes les difficultés, et on pourrait presque dire de toutes les impossibilités ? La vérité est que les uns, les partisans du régime impérial, poursuivent dans le général Trochu l’homme qui avait prévu les désastres, et qui après la réalisation de ses tristes pressentimens a mis la France au-dessus de l’empire, — les autres, les Parisiens, ne peuvent lui pardonner d’avoir trompé leurs illusions, de ne les avoir pas conduits à la délivrance et à la victoire. Aux yeux de tous, il porte la peine de n’avoir pas fait l’impossible, de n’avoir pas sauvé l’empire au 4 septembre, de n’avoir pas sauvé Paris pendant le siège. C’était inévitable. L’impopularité d’un chef militaire ou politique qui échoue n’est point un phénomène nouveau. Le général Trochu en est un exemple de plus. Il a trouvé l’impopularité après avoir été un instant peut-être trop populaire. Il ne reste pas moins un homme qui avant la guerre avait eu le sentiment profond des malheurs vers lesquels on se précipitait, et qui au milieu des anxiétés d’une lutte désespérée a gardé l’honneur de Paris jusqu’à la dernière bouchée de pain. C’est là le fait que ne peuvent obscurcir toutes les plaidoiries chargées de ressentimens et de passions.
Cette manie de dénigrement qui s’attache à tous les hommes, à toutes les situations, qui se déploie jusque dans les prétoires, elle tient sans doute à des haines, à des ardeurs de partis ; elle se complique et s’aggrave malheureusement aussi d’une autre maladie morale qui a depuis longtemps un grand et déplorable rôle dans nos affaires, de cette habitude qu’on s’est faite de jouer avec tout, avec la vérité, avec l’équité, avec les choses les plus inviolables comme avec l’honneur des hommes, de suppléer à tout par la phrase, par les banalités retentissantes de la parole. On manque de respect aux faits, qui parfois se vengent cruellement, on traite tout comme une fiction, ce qu’on ne sait pas, on le met en discours. Qui nous délivrera de cette affliction, la plus dure, qui puisse nous être infligée aujourd’hui après toutes les afflictions que nous avons épuisées, du mal qui a fait le plus de ravages depuis bien des années, — le fléau de la phrase et de la déclamation ? Autrefois, quand on vivait encore dans l’illusion des prospérités trompeuses, quand on ne s’était pas trouvé en face de ce que la réalité a de plus douloureux et