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de réparer mon pantalon bleu et ma petite veste de chasseur ; quelques gouttes de sang tachaient encore les galons. Plaisante qui voudra un sentiment bien légitime, ce costume de soldat, pour lequel j’avais souffert, me consolait, et me relevait à mes propres yeux.

On m’approchait de la fenêtre, mais pour quelques instans seulement. En vain aurais-je. voulu me tromper moi-même, surmonter la fatigue : le grand air me grisait, et il fallait m’emporter bien vite. Peu à peu cependant les forces me revinrent, et je fus libre de rester levé plus longtemps. Je passais là de longues heures, couché dans mon fauteuil, regardant l’horizon par la fenêtre ouverte. L’hiver allait finir, le soleil se montrait déjà plus fréquent et plus chaud ; dans l’avenue, les bourgeons des arbres, gonflés de sève, faisaient craquer leur brune enveloppe. En face de l’hospice, par-delà le boulevard, se dressait une haute colline, âpre et rocailleuse, où d’énormes cailloux, de leur dos rond et luisant, perçaient le sol grisâtre. On n’y voyait ni maisons ni cultures, on apercevait simplement à mi-côte un large espace clôturé de murs en pisé ; c’était le cimetière particulier de l’hospice. Grâce à la disposition du terrain, qui s’élevait en pente, je pouvais en saisir les moindres détails. Rien de plus nu, rien de plus désolé que ce champ des morts. Point de pierres tombales ni de monumens ; à peine quelques croix de bois peintes en noir, hautes de deux pieds. De vastes tertres formant carré indiquaient la place des fosses communes, comblées l’une après l’autre par la misère et la maladie ; sur le fond gris et sombre, les tombes nouvelles s’annonçaient par leur terre fraîchement remuée. De temps en temps, la cloche de la chapelle faisait entendre sa voix fêlée et suraiguë ; à cet appel, d’un des bâtimens du bas sortait la voiture des morts portant une bière étroite, à peine recouverte d’un mince drap noir ; en avant marchait un prêtre avec son long surplis blanc, qui récitait à demi-voix l’office des trépassés ; derrière, pour tout cortège, deux ou trois pauvres vieillards nourris à l’hospice. Le convoi lentement montait la pente raboteuse, entrait dans l’enclos funèbre, cherchait son chemin à travers les tombes, et s’arrêtait enfin auprès d’un trou béant. Alors, aidé des vieillards qui avaient suivi, le fossoyeur se mettait à l’œuvre. Du sommet de la côte, quelques Prussiens inoccupés regardaient d’un air d’insouciance.

Et moi, silencieux, je songeais, car j’avais là un de mes vrais amis, et c’est ainsi que s’en était allé Paul V… Je m’étais fait indiquer le lieu de sa tombe : il reposait tout en haut, à gauche : un arbre planté à ses pieds lui promettait pour les jours d’été un peu d’ombrage et de verdure. Tout à coup je rompais le charme, et,