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le traité, en prévenant l’autre de ses intentions une année à l’avance. Cette clause prudente est insérée dans toutes les conventions postales, qui demeurent ordinairement étrangères à la politique et se règlent sur les intérêts.

Il reste d’autres questions à débattre entre la France et l’empire d’Allemagne. Oserions-nous, en terminant, indiquer dans quel esprit elles doivent être appréciées par les deux peuples et discutées par les deux gouvernemens ? Après une lutte des plus sanglantes, le sort des armes s’est déclaré contre nous. Nous pourrions, comme les orgueilleux, nous exalter au souvenir de nos triomphes passés, lancer de nouveaux défis à la fortune et rêver l’immédiate revanche. La sagesse et le patriotisme commandent une autre conduite. Tant que nous avons des troupes étrangères sur notre sol, le présent ne nous appartient pas ; l’avenir n’appartient ni à nos vainqueurs ni à nous. Il y a, pour le moment, une immense plaie à cicatriser, un besoin universel d’apaisement et de travail, une loi supérieure qui commande aux deux peuples, si acharnés hier l’un contre l’autre, de remettre en place les intérêts, de rassurer les familles et de rétablir sur toute la surface de l’Europe ces rapports de toute nature qui sont le devoir, le profit et l’honneur des nations civilisées. C’est l’œuvre de la diplomatie. L’Allemagne n’a point à être généreuse, et la France, qui n’est pas d’humeur à s’abaisser, n’a point lieu de se montrer hautaine ; mais dans les négociations qui doivent régler à nouveau les échanges du commerce, les mouvemens de la navigation, le régime des postes, en un mot tous les intérêts matériels, les représentans des deux nations peuvent librement traiter d’égal à égal, pendant que la France se soumet aux plus durs sacrifices et redouble d’efforts pour payer sa rançon. Notre budget politique se compose de deux comptes bien distincts, le compte de la guerre et le compte de la paix. La diplomatie, s’inspirant de sa mission conciliante, aura bientôt réglé ce dernier compte. L’autre ne sera soldé que le jour où le territoire français sera définitivement libre, et, s’il arrivait que d’ici là pour le commerce, pour les postes ou pour tout autre objet, nous fussions disposés à faire quelques concessions à l’Allemagne, l’équité et l’intérêt mutuel du bon accord voudraient qu’il nous en fût tenu compte. Le traité postal du 12 février 1872 devrait, à notre sens, figurer au nombre de ces concessions ; c’est à ce point de vue seulement qu’il nous a paru utile de mettre en relief les avantages qu’il procure à l’Allemagne.


G. LAVOLLEE.