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augmenté le prix par d’intelligens sacrifices : il serait malséant d’en abuser, mais l’équité veut qu’il nous profite.

La doctrine sur le transit postal a été exposée dès 1791 dans un rapport présenté à l’assemblée nationale. Parlant du transit franco-hollandais, le rapporteur s’exprimait ainsi : « Existe-t-il pour la Hollande une autre voie que celle de la France pour recevoir les lettres d’Espagne ? Nous devons estimer notre position à cet égard comme nous calculons les productions de notre sol. Ce n’est pas user tyranniquement de la nécessité où est la Hollande de passer par nos mains que de soumettre son commerce à payer à notre office les lettres que nous lui remettons le même prix que paient les Français qui habitent la frontière… Il est certain que, si nous tirons parti des avantages que notre position nous assure vis-à-vis de l’étranger pour la correspondance, on ménagera d’autant le commerce de la France… Il y aurait de la maladresse à demander à l’office de Londres un trop haut prix pour sa correspondance avec l’Italie, puisque les courriers d’Augsbourg sont en concurrence avec les nôtres ; mais il y a de la duperie à lui faire trop bon marché de celle que personne ne peut nous disputer. » Ainsi, d’après le principe énoncé en 1791, les dépêches de transit doivent acquitter au moins la même taxe que les dépêches nationales sur les parcours qu’elles effectuent à travers la France, sauf dans les cas où il est nécessaire de lutter contre une voie concurrente.

L’assemblée législative adopta en 1850, sur le rapport de M. de Lagrené et à l’occasion du traité conclu avec la Suisse, la même doctrine, exprimée en ces termes : « Le transit ne doit pas en général être accordé à un prix tel que les habitans du pays dont le territoire est emprunté soient soumis, pour leur propre correspondance vers une même destination, à des conditions plus onéreuses que l’étranger forcé d’emprunter ce territoire. Les seules exceptions que comporte ce principe ne sauraient être que celles qui sont réclamées par l’intérêt du trésor, quand il s’agit par exemple soit de conquérir un nouveau transit, soit de conserver un transit sérieusement menacé, ou bien encore par les sacrifices réciproques que pourrait s’imposer le pays auquel on accorderait une semblable faveur. » Faut-il ajouter que, pour le transit comme pour la taxe des dépêches internationales, la doctrine rationnelle et équitable exprimée en 1791, rappelée et précisée en 1850, a servi de règle dans les négociations qui ont été engagées depuis cette dernière date ? La plupart des traités ont substitué à l’ancienne uniformité des prix du transit dans les deux pays contractans un système de taxation gradué suivant la nature des services respectifs et le danger plus ou moins éloigné de la concurrence.

Il est juste de reconnaître que cette conquête de l’équité n’a pas