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desquelles se sont présentées des questions analogues à celles qui ont été récemment débattues à Francfort ; mais pour ces annexions toutes les parties étaient d’accord, et la nation qui cédait le territoire et la nation qui le recevait et les populations qui changeaient de patrie. Les décisions libérales étaient proposées et acceptées avec le commun désir de ne pas amoindrir par des restrictions, ni par des mesures de défiance, l’acte politique qui les inspirait. Ici au contraire quelle différence ! C’est un divorce imposé à des populations qui se trouvent brusquement arrachées à leur ancien drapeau, à des lois séculaires ; c’est un véritable déchirement, et ce contrat de séparation, écrit au lendemain de la guerre, conserve nécessairement la marque de sa violente origine. Cependant les principes de la civilisation, qui ne permettent plus aujourd’hui les stipulations impitoyables et qui ont adouci, dans la forme au moins, le vœ victis de l’antiquité, ont secondé l’action des négociateurs de Francfort ; ils ont contenu les abus de la force. L’assemblée nationale a donc approuvé les conventions du 11 décembre.

Cet acte n’avait pu résoudre toutes les questions pendantes entre la France et l’Allemagne. Il restait à régler de graves intérêts relatifs au commerce et aux postes. Des négociations avaient été engagées à Francfort pour conclure une convention postale, mais elles n’avaient point amené de résultat. Elles ont été reprises à Versailles, et elles viennent d’aboutir à la signature d’une convention en date du 12 février 1872, qui est en ce moment soumise à l’examen de l’assemblée nationale. Ce nouveau traité mérite à divers titres une attention particulière. Non-seulement il appartient à l’ensemble de nos négociations avec l’Allemagne, négociations dont tous les détails, si douloureux qu’ils soient, doivent être étudiés de très près, mais encore il concerne un service qui prend chaque jour, dans les relations de peuple à peuple, une importance de plus en plus grande ; il engage des principes très sérieux en matière de relations internationales et de revenu financier ; enfin il fournit pour la première fois à l’assemblée nationale l’occasion de se prononcer sur ces principes. Aux termes de la constitution de 1848, l’approbation des traités conclus avec l’étranger était réservée à l’autorité législative ; cette attribution est aujourd’hui remise en vigueur. L’assemblée actuelle pourra donc consulter utilement, sur les règles applicables aux conventions postales, les travaux parlementaires de la période comprise entre 1848 et 1851. On verra plus loin quelles sont ces règles, que l’administration de l’empire a respectées dans la rédaction des traités négociés depuis vingt ans avec la plupart des nations étrangères, particulièrement avec la Prusse et d’autres pays d’Allemagne.