Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/860

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commode ou de passer ces remèdes sous silence ou d’en diminuer à l’excès l’efficacité. De même, dans la discussion générale, elle ne tient pas le moindre compte de ce que les donations faites par le père de son vivant à tel de ses enfans plus méritant ou dans le besoin apportent de tempéramens à ce que l’égalité départages après la mort peut avoir d’excessif. On a raison de vouloir s’opposer au fractionnement parcellaire. Le procès qu’on lui fait laisse intacte d’ailleurs la cause de la petite propriété et de la petits culture, auxquelles la condition même de notre sol et notre état social vouent la plus grande partie de notre territoire, sans qu’il y ait lieu de s’en affliger, bien loin de là. Pourquoi d’autres mesures encore que l’augmentation de la portion disponible, qui pourrait être insuffisante ici, ne seraient-elles pas prises pour combattre l’excès du morcellement parcellaire ? Plusieurs pays en ont donné l’exemple. La législation autrichienne frappe d’indivisibilité toutes les propriétés foncières dont l’étendue ne dépasse pas 26 ou 27 hectares. Vous trouverez de telles précautions légales dans le Mecklembourg, la Westphalie, quelques parties de la Prusse rhénane, dans presque tout le Hanovre, le grand-duché d’Oldenbourg, les pays de Thuringe, la Saxe, etc., preuve évidente que dans ces arrangemens de propriété la liberté, si respectable et si utile qu’elle soit, ne supprime pas toute prévoyance légale, et peut accepter quelques utiles restrictions. M. L. de Lavergne, dans des observations fort sages que lui inspiraient ici même en 1856 les critiques qui n’ont fait depuis lors que prendre plus de force et de développement, recommandait ce moyen et quelques autres. Il inclinait, lui aussi, vers l’extension de la portion disponible, ce qui ne l’empêchait pas d’écrire : « La loi du partage égal est la chair et le sang de la France[1]. »

La question de l’organisation de la famille dépasse de toutes parts les limites dans lesquelles certains esprits préoccupés d’un point de vue s’efforcent de la renfermer. La famille française, si on veut n’en voir que les défauts et les lacunes, a plus besoin d’être restaurée dans son esprit moral que réorganisée sur des bases nouvelles en vertu d’arrangemens juridiques ou économiques. C’est par un ensemble de remèdes qu’il y faut tendre. Ici le problème de l’éducation se pose comme ailleurs. C’est sous l’influence de causes générales que la famille s’altère et se relève comme la société dont elle fait partie. Poser le problème de la régénération sociale sur le terrain exclusif de la famille, c’est d’ailleurs rétrécir presque autant la question qu’on la rétrécit en posant la question de la famille

  1. Voyez la Revue du 1er février 1856.