plusieurs grandes législations antiques, en Orient, à Athènes et ailleurs, ce droit était positivement reconnu. Plus le droit de l’individu et de la propriété s’est déterminé à part, plus ce droit indivis de la famille s’est effacé, pour ne laisser place qu’à une question de limites. Sans doute il serait exorbitant de soutenir que le fils d’un père millionnaire a droit, nous entendons parler d’un droit naturel et strict, à hériter d’un million. Est-ce une raison d’aller jusqu’à prétendre avec Montesquieu qu’il n’a de droit qu’à la nourriture ? L’illustre écrivain n’aurait pas sans doute lui-même refusé d’y joindre l’éducation, et il n’eût peut-être pas été bien difficile de le ramener à cette idée, que c’est aussi de la part d’un père plus qu’un devoir large et facultatif de ne pas mettre son fils dans une situation qui fasse trop contraste avec celle où il l’a fait naître et où il l’a élevé. La société tient compte non pas seulement des droits stricts, absolus, mais aussi de ce qui fait titre. Elle n’efface pas la famille comme un fait indifférent devant la liberté individuelle du testateur et au profit exclusif du droit de propriété. Elle fait entrer dans les prescriptions légales ces considérations d’équité, de sympathie, de parenté, que la morale, toutes les fois surtout qu’il s’agit de pères et d’enfans, ne saurait regarder comme non avenues, et laisser trop ouvertement et trop fréquemment fouler aux pieds.
On peut donc, en se plaçant au point de vue des principes et aussi des circonstances de notre pays, qui cherche dans la restauration de la famille un élément de salut, regarder des modifications comme possibles. La quotité dont dispose le père de famille peut être en droit considérée comme trop faible pour laisser à sa liberté une étendue suffisante. De même cette exiguïté de la portion disponible, comparée à la légitime assurée aux enfans présente sous le double rapport moral et économique des inconvéniens réels. Il n’y a rien qui soit pour ainsi dire sacramentel dans le chiffre indiqué par le code civil. Les peuples qui ont adopté nos principes ont le plus souvent établi une portion disponible plus considérable. Rien n’empêcherait que nous fissions comme eux. Les défiances qui ont dicté ce que notre loi a de trop restrictif ont dû disparaître depuis 1789. Le danger public ne semble pas être, à vrai dire, aujourd’hui dans le rétablissement des privilèges ; mais évitons les exagérations et les illusions. L’exagération dont sont empreintes les récentes critiques adressées à la loi de succession dans ses principes et dans ses effets dépasse toute mesure. Au fond, la loi de l’égal partage est, sauf un nombre de cas limité, fondée sur la nature du cœur paternel, qui répand l’affection à peu près également sur les enfans, et qui se reprocherait de donner cours à d’injustes préférences, même trop aisément en pareille matière à des préférences fondées.